Ruines de l’abbaye, pointe Saint-Mathieu à Plougonvelin – photo DXR
Les ruines de l’abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre gardent encore de nombreux secrets. Faute de fouilles archéologiques, c’est en pointillés que les historiens peuvent retracer le passé du site.
Entretien avec Arnaud Ybert, maître de conférences en histoire de l’art médiéval et archéologie, et Julien Bachelier, professeur agrégé en histoire, CRBC, UBO
Du 15 au 17 octobre 2019 a eu lieu à Plougonvelin un colloque qui a permis de faire le point sur les recherches autour de l’abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre, 25 ans après une première rencontre.
Des fouilles archéologiques très partielles et des sources peu fiables
La date de fondation de l’abbaye est inconnue. Dans les textes, sa présence est attestée au XIIe siècle, l’archéologie du bâti permet de remonter au XIe siècle, mais on n’en saura pas davantage sur la naissance du monastère bénédictin, encore moins sur les premières implantations religieuses, ou les occupations plus anciennes. Géographiquement, la pointe Saint-Mathieu est un site stratégique, idéal pour se protéger, ou faire escale quand on navigue. Une voie romaine y passait. Il pourrait très bien y avoir eu un éperon barré (fortification du Néolithique) et pourquoi pas un port, voire plusieurs, mais sous quelle forme ?
L’archéologie permettrait peut-être d’y répondre… Mais peu de fouilles ont été menées à Saint-Mathieu, uniquement préventives (avant des aménagements) et donc très partielles. Des relevés du bâti ont eu lieu également. Ces recherches ont révélé, sous le mur du XIe siècle, une couche noire qui laisse deviner une occupation plus ancienne.
Âge d’or et attaques anglaises
Le chartrier de Saint-Mathieu (ensemble des documents légaux qui se rapportent à l’abbaye) a quant à lui disparu. Les sources textuelles qui mentionnent l’abbaye sont surtout anglaises car les navigateurs d’outre-Manche font référence à l’édifice dès la fin du XIe et leurs archives sont bien conservées.
C’est aux XIIe et XIIIe siècle que l’abbaye rayonne le plus ; elle est alors mentionnée par les navigateurs, pélerins et surtout commerçants. La pointe Saint-Mathieu est réputée difficile à passer, c’est donc une escale obligée pour les navigateurs en cabotage qui profitent parfois des services de pilotes locaux. C’est aussi une étape utile pour le ravitaillement.
Comme dans tout l’Ouest Bretagne, l’abbaye dispose d’une certaine autonomie par rapport à la papauté, c’est par ailleurs un centre économique et politique sur un territoire d’une vingtaine de kilomètres à la ronde.
A partir de la fin du XIIIe siècle, Saint-Mathieu de Fine-Terre est la cible des attaques anglaises et elle est détruite à plusieurs reprises, avant d’être définitivement abandonnée à la Révolution.
Les vestiges encore visibles de nos jours datent du XIe au XVe siècle. Du côté des matériaux de construction, on recense 22 types de pierres différentes, du gneiss de Brest (le plus proche) au calcaire importé, en passant par des granites et autres roches locales.