Pascale Lherminier, chercheure en océanographie physique de l’Ifremer au Lops (Laboratoire d’océanographie physique et spatiale), nous explique le fonctionnement des grands courants marins et leurs interactions avec le climat. 

Le site internet du Lops 

Il existe de très nombreux courants marins, à toutes les échelles, puisqu’il s’agit de « masses d’eau salées qui se déplacent dans une direction donnée »… définition vaste qui va des petits courants de houle aux grandes circulations océaniques en passant par les courants liés aux marées ou encore les upwellings (générés par de forts vents côtiers saisonniers).

Plusieurs grandes boucles de courant parcourent le globe dans l’Atlantique, le Pacifique et l’océan Indien. On les détecte par satellite notamment, et en mesurant les différences de pression entre les masses d’eau. Ce sont eux que Pascale Lherminier, chercheure en physique océanique étudie, en particulier ceux de l’Atlantique : le gyre subpolaire et le gyre subtropical.

Géants silencieux

Ces « géants silencieux – comme elle aime à les qualifier – font plusieurs milliers de kilomètres de diamètre et ils avancent à la vitesse d’un piéton. Mais leur puissance, leur énergie, est gigantesque  : l’équivalent de 500 000 réacteurs nucléaires de 1GW pour le gyre de l’Atlantique nord.

Trois forces créent ces courants : le vent, les différences de pression liées aux variations de température et de salinité, et la rotation terrestre (force de Coriolis).

Les travaux de paléoocéanographie montrent que ces courants ont évolué au cours de l’histoire de la Terre, et les chercheurs actuels examinent donc les variations qui affectent leur circulation : la vitesse et la trajectoire de ces grands courants océaniques.

Courants océaniques et changement climatique

Beaucoup d’études portent sur les liens entre ces gyres océaniques et le climat, principalement sur la façon dont le changement climatique affecte les courants marins.

En ce qui concerne, l’effet inverse – l’impact des courants sur le climat – les scientifiques du Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) estiment à 80% la probabilité de ralentissement du courant qui prolonge le Gulf Stream vers le nord. Avec à la clé, d’ici 100 ans, un très net refroidissement de l’Ecosse et de la Norvège (pour le Bretagne, ce serait peu sensible).

Les appareils de mesure par flotteurs ne donnent une vision 3D des courants que depuis peu (les années 1990) mais les constatations sont nettes : la température de l’eau des océans se réchauffe et s’acidifie (le gaz carbonique se dilue dans l’océan).
Les courants sont affectés d’une telle variabilité que les scientifiques ne parviennent pas pour l’instant à dégager une tendance. Les courants suivent pour l’instant des cycles décennaux. Actuellement, la recherche se concentre sur l’impact que la température de l’eau de mer et les courants peuvent avoir sur les grands équilibres atmosphériques.