Le discours sur l’état de l’Union européenne, inspiré de celui des Etats-Unis, est désormais une tradition. Ce 16 septembre 2020, crise sanitaire oblige, la présidente de la commission Ursula von der Leyen est allée au-delà de l’exercice de style.

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Par Maël Cordeau, président de  Breizh Europe Finistère 

Qu’est-ce que le discours sur l’état de l’Union européenne ? D’où vient-il ?

Le discours sur l’état de l’Union européenne nous vient tout droit des Etats Unis d’Amérique.
La naissance de ce moment devenu traditionnel dans l’exercice du pouvoir du président
étatsunien se situe en 1790 lorsque George Washington prononça un discours sur l’État de
l’Union à New York.
Aujourd’hui, le discours est prononcé par le président des Etats-Unis dans le Capitole face
au Congrès soit la réunion de la chambre des représentants et du Sénat, c’est-à-dire
l’ensemble du pouvoir législatif.

A quoi sert le discours sur l’état de l’UE ?

Toujours aux Etats-Unis ce discours permet de faire le bilan de l’année passée et également
de présenter la politique d’action du gouvernement pour l’année à venir.
Mais revenons à l’Union européenne.

Par qui est-il prononcé dans l’UE?

Dans l’UE le discours n’est devenu traditionnel que depuis 2010 après l’entrée en vigueur du
traité de Lisbonne en 2009. Auparavant le discours était prononcé tous les 5 ans par le
président de la Commission européenne.
Aujourd’hui et depuis le premier discours de José Manuel Barroso c’est un événement
annuel de bilan qui comme aux Etats-Unis annonce la politique européenne à venir.
Dans le cas de l’UE c’est la Commission européenne, représentante des intérêts de l’Union
européenne qui possède le rôle exécutif et, le Parlement européen, représentant de l’intérêt
des citoyens qui arbore le pouvoir législatif.
Et, le dernier discours en date est donc celui d’Urusla von der Leyen, la première femme à la
tête de la Commission européenne.
Ce discours a eu lieu le 16 septembre 2020 devant le parlement européen à Bruxelles.

Le dernier a eu lieu le 16 septembre 2020, qu’a-t-il été annoncé ?

De manière générale et du fait de la pandémie, ce discours était très attendu et en particulier
du côté des eurodéputés qui communément souhaitaient que l’Union européenne prenne
ses responsabilités.

Pendant plus d’une heure, la présidente de la Commission a proposé une nouvelle ligne de
conduite à l’Union européenne.

S’il s’agissait de faire une liste, on pourrait commencer par la santé. La présidente l’a dit, elle
souhaite “construire une Union européenne de la santé qui soit plus forte”, afin d’être prête
pour les prochaines crises et aussi intensifier le domaine de la recherche européenne.
Également, elle a annoncé que le Pacte vert ou Green Deal allait être revu à la hausse,
nous y reviendrons plus tard puisqu’il s’agit d’une mesure phare.

La présidente de la Commission évoque aussi le développement du numérique à travers
l’UE, c’est d’ailleurs l’un des objectifs qu’elle avait annoncé lors de son discours d’entrée en
fonction. Par le numérique elle met l’accent sur la protection des données des utilisateurs,
un domaine dans lequel l’Union européenne a déjà de l’expertise, ou encore la création
d’une identité européenne numérique, utilisable à travers toute l’Union.

Un autre sujet que nous développerons plus en détail est la place de l’Union européenne
dans le monde et face aux grandes puissances.
Et enfin, l’ultime sujet au cœur de l’actualité : la situation des migrants et réfugiés dans les
camps européens, notamment grecs. A cet égard, la présidente de la Commission a
annoncé sa volonté de mettre fin au règlement de Dublin qui jusqu’à présent établissait que
le pays où les migrants et réfugiés arrivaient était le pays dans lequel il devaient demander
l’asile. C’est un gros résumé. La raison qui pousse la présidente à proposer un nouveau
règlement, c’est que l’Italie, la Grèce et Malte sont quasiment les seuls à porter le fardeau,
or l’Union est composée de 27 Etats.

Trois grands enjeux de ce discours :  l’Etat de droit, l’environnement et la
géopolitique

Dans ce discours, il est question encore une fois de mettre en avant le dialogue entre la
Commission qui représente les intérêts de l’Union européenne et les représentants des
citoyens européens.
S’il fallait aller plus loin, la présidente, pour la première fois peut-être, s’est autorisée à
rappeler que les Etats membres ont une responsabilité entre eux, vis-à-vis de l’Union
européenne puisqu’ils s’y sont engagés et par-dessus tout une responsabilité vis-à-vis de
leurs citoyens.
Ce qui permet de passer à l’un des aspects les plus importants de son discours : le rappel
sur l’état de droit et l’annonce d’un “outil de prévention permettant de détecter
rapidement les problèmes et de trouver des solutions.”
Faisons un petit rappel de ce qu’est l’état de droit via le juriste autrichien Hans Kelsen, qui
explique que c’est un “État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle
sorte que sa puissance s’en trouve limitée”, c’est à dire le fondement du concept de la
démocratie.
Vous comprendrez que cette intervention était nécessaire suite aux événements survenus
en Pologne et en Hongrie, respectivement la création de zones sans personnes LGBT+ et
l’atteinte à la liberté de la presse par exemple. Elle rappelle donc que l’Etat de droit n’est
“pas d’un terme abstrait. L’Etat de droit contribue à protéger les citoyens du règne de la loi
du plus fort. Il est le garant de nos droits et libertés les plus élémentaires, au jour le jour. Il
nous permet d’exprimer nos opinions et d’être informés par une presse libre.”
Toujours dans le but d’ancrer l’égalité des individus devant le droit, la présidente s’est
engagée avec la Commission afin de proposer un plan qui vise à construire une Union
européenne antiraciste et antidiscriminations. Ceci impliquera des sanctions plus lourdes à
l’égard de la haine envers la religion, l’orientation sexuelle, le genre ou encore l’ethnie. Par
l’éducation, la prévention et la déconstruction des préjugés, l’UE va s’engager au-delà de la
charte des droits fondamentaux dans la lutte contre les discriminations.
Pour finir, la présidente a affirmé : “être soi-même n’est pas une question d’idéologie. C’est
votre identité. Et nul ne pourra jamais vous la retirer. C’est la raison pour laquelle je souhaite
être claire – les «zones sans LGBTQI» sont des zones sans humanité. Et elles n’ont pas
leur place dans notre Union””.
“Les valeurs européennes ne sont pas à vendre.”

Environnement 
Comme le dirait Ursula von der Leyen, l’objectif est de “faire de l’Europe le premier continent
climatiquement neutre d’ici à 2050.” Un continent climatiquement neutre ne signifie pas que
le continent européen n’émettra plus de gaz à effet de serre mais qu’au contraire toutes les
émissions seront compensées. A titre d’illustration on pourrait inventer une nouvelle loi qui
dise qu’on conserve le trafic aérien si le trafic ferroviaire fonctionne à l’hydrogène, soit
aujourd’hui le moyen le plus propre.
Pour réussir l’objectif de 2050, la présidente propose un premier pallier en 2030 de réduction
de 55% des émissions. Auparavant elle avait annoncé 40 %, c’est pour cette raison que les
objectifs sont revus à la hausse.
Pour y arriver plusieurs angles d’attaque ont été soumis. D’abord la question financière,
30 % du budget pluriannuel c’est à dire 6 ans seront consacrés à la transitions vers le
continent neutre en carbone. Autrement un appui pour la rénovation des habitats sera mis
en avant, la création d’un million de bornes de recharge ou encore le développement de
l’hydrogène.
L’UE doit en quelque sorte devenir le leader mondial de la transition verte.

Géopolitique
L’Union européenne est le premier marché économique mondial, Ursula von der Leyen
l’avait dit, elle souhaite une Europe géopolitique. C’est ce qu’elle s’est employée à
démontrer tout au long de son discours, en commençant par condamner la Russie au sujet
de l’empoisonnement de l’opposant Alexeï Navalny. Elle s’est aussi opposée aux “tentatives
d’intimidation de la Turquie” dans la mer Méditerranée, ou encore le fait que la Chine bafoue
les droits de l’homme vis-à-vis des Ouïghours (minorité musulmane chinoise). La présidente
de la Commission engage le modèle européen sur la scène internationale.
Dans une autre mesure, elle défend la vocation européenne des Etats tiers des Balkans
Occidentaux, précisant que ceux-ci ne sont pas seulement une étape des nouvelles routes
de la soie chinoise.
Elle propose de porter une voix européenne qui permettrait notamment de contrer le
manque de confiance à l’égard des Etats-Unis de Donald Trump.
Au sujet de l’épineuse question du Brexit, Urusla von der Leyen incite les Européens à ne
porter qu’une seule voix face au Royaume-Uni qui retarde à nouveau les négociations alors
qu’officiellement, l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne n’est plus actée le
31 décembre 2020.
De manière générale, la présidente de la Commission européenne veut porter une voix
européenne sur la scène internationale.

Que peut-on attendre de l’Union européenne après un tel discours ?

D’abord il est important de dire que ce discours semble être un regain de vitalité pour
l’avenir de l’Union européenne. Les eurodéputés qui sont les représentants directs des
Européennes et Européens et que nous avons élus en 2019 attendent beaucoup de la
Commission européenne pour cette nouvelle année. En effet, la situation de crise place la
barre très haut quant aux divers enjeux. Ursula von der Leyen a su globalement répondre à
ces attentes. Nous l’avons vu certains objectifs ont été revus à la hausse comme
l’environnement ou la responsabilité des Etats vis-à-vis de leur citoyens. Cependant il reste
encore des aspects qui semblent absents comme l’Europe sociale par exemple et c’est ce
qu’a pu reprocher le groupe des députés sociaux-démocrates, on peut aussi faire mention
de l’Europe de la défense qui n’a pas été discuté.
Néanmoins quand la présidente dit : “Lorsque les États membres reprochent à l’Europe
d’être trop lente, je leur demande de se montrer courageux et de passer enfin au vote à la
majorité qualifiée.” Elle affirme qu’elle veut une Europe plus forte et surtout ouvrir l’Europe à
un processus de prises de décisions plus rapides en cas de nouvelles crises.
C’est ce qui lui a été reproché au début de la crise du coronavirus, or il est essentiel de
rappeler que ce sont les Etats qui ont donné ce pouvoir qualifié de lent à l’Union
européenne.