Dans le Finistère comme partout en France, les commerces tendent à disparaître des centres des villes et des bourgs. La crise sanitaire va sans doute accélérer un déclin amorcé dans les années 1980. Les programmes de revitalisation se multiplient pour tenter de contrer ce mouvement mais sont-ils adaptés ? Éléments de réponse avec Iwan Le Clec’h urbaniste et géographe du commerce.

Le site web d’Iwan Le Clec’h

La thèse d’Iwan Le Clec’h était consacrée à l’aménagement commercial de Saint-Brieuc et sa périphérie. Il connaît bien la problématique du commerce de centre-ville ou de centre-bourg, y compris dans la diversité des cas de figures.

Il existe des villes (même petites) où les boutiques du centre résistent : cités touristiques (Quimper, Vannes), villes de territoires ruraux à vaste zone de chalandise (Carhaix) et villes dont les élus ont refusé l’implantation d’un supermarché en périphérie, ou son extension (Plouha).

Lente érosion et tentatives de revitalisation

Cependant, la tendance est la même partout, en Bretagne ou ailleurs, depuis les années 1970/80 : l’extension de la ville, son « extériorisation » et l’installation en périphérie des services publics (hôpitaux, cliniques), de l’habitat (lotissement), des emplois et des commerces.  Les grandes enseignes internationales quittent aussi les rues commerçantes des centres-villes car leurs aires de chalandise sont à l’échelle d’un département ou d’un demi-département et elles choisissent leur localisation en fonction de cette donnée.
La plupart des centres affichent 30% de vacance commerciale (boutiques vides). Notre rapport au temps a changé et on apprécie moins de flâner ; la question du pouvoir d’achat s’en mêle aussi (moins d’argent à dépenser en shopping). Enfin, le commerce numérique amplifie lui aussi le mouvement. Les magasins qui résistent dans les cœurs de ville sont ceux qui ont un rôle de proximité pour les habitants du centre, pour qui ils sont devenus des « boutiques de quartier » (du centre).

Les plans de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs se sont multipliés ces dernières années, mais pas forcément au profit des petits commerces. Il est plus souvent question de chantiers et de travaux que de réouverture de boutiques. Or, il faut réinventer le commerce de centre-ville sans chercher à retrouver la ville des années 1960. Le numérique et les nouveaux modes de vie doivent être pris en compte. Il est important de s’adresser aux intéressés : les commerçants indépendants – y compris commerçants en ligne mais qui auraient besoin d’un relais local – pour faire en sorte d’organiser la ville avec eux. Les impliquer dans la vie du centre, miser sur leur rôle fédérateur permettra aussi de redonner vie à un centre-ville, moins en termes d’aménagements coûteux qu’en termes d’animation (organisation de micro-marchés et événements).

Repenser un commerce de centre-ville à base d’humain

Les commerces qui se portent encore bien en centre-ville (hors période de confinement) sont les concepts – parfois novateurs – qui lient échange de biens/services et moments de convivialité : restaurants, salon de coiffure et de thé, cafés-librairies, bars à vin et dégustation de fromage, pépinière-bistrot, etc. Ils ont en commun d’apporter un supplément irremplaçable, précisément ce qui fait défaut au commerce en ligne ou aux grandes surfaces : l’humain.

La co-construction d’un projet fait souvent émerger les particularismes locaux, pour éviter de copier des modèles extérieurs qui ne s’appliqueront pas forcément à toutes les communes. Cela permettra peut-être d’intégrer aussi des données importantes souvent oubliées comme la place de l’école, l’accès aux magasins avec les mobilités actives favorables à ces commerces (piétons, vélos, trottinettes), l’organisation des files d’attente éventuelles sur la voie publique (en période épidémique ou pas et en fonction de la météo), les animations, les aménagements temporaires comme les terrasses communes et concerts, etc.