photo credit – Circadian-Rosemary Lee. Photo: screenstill Roswitha Chesher ( 2019)

Dans cette deuxième émission de notre série sur le programme scientifique Plages vivantes, on s’intéresse à l’esthétique environnementale et notamment au rapport sensoriel que nous entretenons avec la plage. Joanne Clavel a travaillé en particulier avec des artistes, danseuses, danseurs et chorégraphes.

Le site internet du projet de recherche Plages vivantes

Entretien avec Joanne Clavel, chercheuse en écologie et en danse, et Alix Levain, anthropologue

Après l’émission introductive sur les humanités environnementales dans le programme Plages vivantes, on s’intéresse plus précisément cette fois à l’esthétique environnementale.

Expérience sensible et rapport sensoriel à la nature

L’esthétique environnementale est une discipline assez récente. La recherche en esthétique (questions sensibles) s’est longtemps concentrée sur la philosophie (expérience sensible) et l’art. Vision, mise en objet et distance étaient les trois piliers des travaux universitaires. Depuis les années 1970, la question de l’environnement a permis une autre approche de l’esthétique, dans laquelle le milieu naturel, le non-humain, les éléments peuvent intervenir : qu’est-ce qui nous meut et qu’est-ce qui nous mobilise ?

Cette nouvelle approche s’accompagne d’une méthodologie nouvelle, d’une nouvelle façon d’observer et d’expérimenter qui intéresse l’anthropologie. Lors de la première journée d’études « Des vies avec des plages », on a pu découvrir ainsi avec Clara Breteau comment la disparition de nombreux êtres vivants non humains – l’effondrement de la biodiversité – modifie nos perceptions sensibles et notre imaginaire de la plage. Julie Perrin et Victoria Hunter ont travaillé quant à elle avec des chorégraphes qui interprètent la plage dans leur art car ils dansent in situ, et leur création dialogue avec leur environnement.

Les corps humains à la plage

La plage est en effet un cadre important de l’histoire de notre rapport au corps, comme nous l’a fait découvrir l’historien Johan Vincent : de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1930/40, le corps était couvert à la plage ; le sport a permis de dénuder ce corps, sous condition qu’il soit beau. La pratique du topless très en vogue dans les années 70, l’est moins aujourd’hui, comme un retour du conservatisme ; la multiplicité et l’augmentation des usagers de la plage y compromet aussi la pratique du naturisme.

La plage, espace libérateur

Pour autant, la plage est un lieu où les corps se libèrent : le sable autorise à chuter, l’eau porte. Et c’est aussi un lieu qui réveille tous les sens : la vision, avec des motifs et paysages mouvants qui se transforment sans cesse, l’ouïe, à la fois bercée par les rythmes réguliers comme le ressac, et stimulée par les bruits des éléments (vent) ou des occupants (humains, oiseaux), le toucher au contact du sable, des galets, de l’eau, l’odorat (la laisse de mer mêle justement celles qui sont fraiches et agréables à celles qui le sont moins), et même le goût (sel de la mer)…

Dans le programme Plages vivantes, Joanne Clavel étudie d’une part, l’évolution des représentations de la plage et de la laisse de mer dans l’art pictural (peintures, dessins, publicité) ; elle s’intéresse aux liens entre nos imaginaires et la laisse de mer, y compris en fonction des pratiques des usagers : bronzage, sport,, sortie en famille ou entre amis, méditation, promenade du chien…
Chercheuse en écologie et en danse, Johanne Clavel s’intéresse également au corps chorégraphique et aux dispositifs dansés in situ et inspirés de la plage ; ils intègrent cette multi-sensorialité et les vastes possibilités de la plage : toutes les positions du corps y sont permises et on peut s’y évader de soi.

2 journées d’études « Des vies avec des plages »

Les journées d’études « Des vies avec des plages » permettent de mieux comprendre comment la complexité des formes de vie et d’expériences humaines et non humaines peut être appréhendée sur ces milieux fragiles, mouvants, et chargés de forts enjeux socioculturels, patrimoniaux, esthétiques, écologiques et économiques. Au programme : des recherches inter- et transdisciplinaires, des expériences et des études de cas locales, en sciences humaines et sociales (histoire, géographie, anthropologie, science politique, droit, économie, sociologie, esthétiques environnementales, arts) mais aussi en sciences de l’environnement, avec des spécialistes des écosystèmes des dunes, plages et estrans (écologues, phycologues), sans oublier les acteurs de la gestion et de la culture et leurs partenaires.

La première journée d’études a eu lieu le 10 décembre 2020 ; elle a été consacrée à l’approche historique de la plage en Bretagne mais aussi en baie de Los Angeles, mais aussi à l’approche esthétique (les vagues, l’imaginaire sensible à la mer) et à la recherche en art (en danse en particulier).  La seconde journée d’études est prévue le 30 mars 2021.