Bloavez Mad ! Ou bonne année si vous préférez. Plus précisément comme on dit en Cornouaille bretonne : bonne année, bonne santé, de l’argent sous l’oreiller et le Paradis à la fin de votre vie. Et ça vaut mieux car le sujet du jour, c’est l’Ankou … celui qui vient chercher les morts !

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Aujourd’hui en ce début d’année 2021, nous allons vous parler de celui qui se balade sur les hauteurs de Cornouaille pour voir tous ceux qu’il va emmener dans l’année qui vient, celui dont le seul nom continue encore aujourd’hui à imposer un silence craintif, j’ai nommé : l’Ankou, le terrible ouvrier de la Mort qui vient chercher, à leur dernière heure et où qu’ils se trouvent, tous ceux qui sont nés en Bretagne.

Trois baptisés pour échapper aux démons de la nuit

Bien que nous ayons terminé la période des mois noirs depuis le solstice d’hiver, les nuits sont encore plus longues que les jours donc les bugaled noz, les enfants de la nuit, sont toujours très puissants. N’oubliez donc pas si vous vous promenez après le coucher du soleil, de vous déplacer par 3, si vous êtes baptisés, car les anaons, korrigans et autres démons ne peuvent rien contre trois baptêmes. Si vous ne le pouvez pas, apprenez à courir vite ou munissez-vous d’un Karsprenn, cette petite fourche en bois qui servait à nettoyer le soc des charrues et passait pour tenir à distance les créatures surnaturelles hostiles.

Parmi ces dernières, la plus terrible est sans doute l’Ankou. Selon Anatole Le Braz, l’Ankou est l’ouvrier de la mort (oberour ar maro). C’était le dernier mort de l’année, dans chaque paroisse, qui devenait l’Ankou de cette paroisse pour l’année suivante. Il restait coincé sur terre pendant un an, ce qui le mettait de mauvaise humeur, d’autant plus qu’il avait tout le loisir de voir les autres défunts s’en aller vers leur destin dans l’Au-delà.

S’il s’agissait d’un homme, beaucoup de femmes mourraient l’année suivante et inversement. Idem s’il s’agissait d’un vieux, beaucoup de jeunes devraient mourir sous son office. On disait que l’Ankou se vengeait en emmenant ses opposés.

Portrait de l’Ankou

Si l’Ankou était présentable en début d’année suivante parce qu’il était mort depuis peu de temps, la décomposition aidant, son aspect empirait au fur et à mesure que le temps passait pour ne plus être qu’un squelette avec des lambeaux de chair en fin d’année, terrorisant ceux qu’il venait chercher. Il valait donc mieux éviter de mourir pendant les mois noirs.

On dépeint également parfois l’Ankou, tantôt comme un homme très grand et très maigre, les cheveux longs et blancs, la figure ombragée d’un large feutre ; tantôt sous la forme d’un squelette drapé d’un linceul, et dont la tête vire sans cesse au haut de la colonne vertébrale, ainsi qu’une girouette autour de sa tige de fer, afin qu’il puisse embrasser d’un seul coup d’œil toute la région qu’il a mission de parcourir. 

Dans l’un et l’autre cas, il tient à la main une faux. Celle-ci diffère des faux ordinaires, en ce qu’elle a le tranchant tourné en dehors. Aussi l’Ankou ne la ramène-t-il pas à lui, quand il fauche ; contrairement à ce que font les faucheurs de foin et les moissonneurs de blé, il la lance en avant. Et il se sert d’un ossement humain pour l’aiguiser.

Quelquefois il en fait redresser le fer par les forgerons qui, sous prétexte d’ouvrage pressé, ne craignent pas de tenir leur feu allumé, le samedi soir, après minuit. Mais le forgeron qui a travaillé pour l’Ankou ne travaillera plus ensuite pour personne.

Outre sa faux, l’Ankou se déplace avec une charrette dans les terres et une barque en bord de mer. La charrette de l’Ankou (karrik ou karriguel ann Ankou) est faite à peu près comme les charrettes dans lesquelles on transportait autrefois les morts .

Elle est traînée d’ordinaire par deux chevaux attelés en flèche. Celui de devant est maigre, efflanqué, et tient à peine sur ses jambes. Celui du timon est gras, a le poil luisant, et est franc du collier.

L’Ankou se tient debout dans sa charrette.

Il est parfois escorté de deux compagnons, qui, eux, cheminent à pied. L’un conduit par la bride le cheval de tête. L’autre a pour fonction d’ouvrir les barrières des champs ou des cours et les portes des maisons. C’est lui aussi qui empile dans la charrette les morts que l’Ankou a fauchés.

Mais qui était-il cet Ankou si terrible ? Pour faire simple, la Mort a toujours été personnifiée dans les folklores et les mythologies, mais l’Ankou n’a pas toujours eu l’importance qu’il a maintenant en Cornouaille.

A l’origine, c’était même un personnage secondaire des légendes galloises, l’Ankeu, que les immigrés gallois du VI ème siècle ont apporté avec eux lorsqu’ils sont venus s’installer en Cornouaille bretonne.

L’instrument des jésuites

Plus tard, au XVII ème siècle, à l’occasion de la Contre-Réforme, les jésuites qui voulaient ré évangéliser le Finistère eurent besoin d’un personnage mythique pour effrayer les fidèles et les faire rester dans le droit chemin.

Ils tentèrent d’abord d’impressionner les gens avec le diable, mais nos ancêtres avaient l’habitude des personnages mythiques cornus notamment, Cernunnos, le dieu celte qui a durablement marqué la région de son empreinte. Alors les jésuites remirent l’Ankou au goût du jour en le faisant représenter dans les églises sous forme de statues, de vitrail ou de peintures sur panneaux de bois et en insistant sur son côté effrayant et implacable. L’Ankou acquit à cette occasion une célébrité qui ne l’a plus jamais quitté.

Notre association a d’ailleurs recueilli des témoignages de personnes dignes de foi qui, encore aujourd’hui, sont persuadées de l’avoir vu ou d’avoir entendu le bruit de sa charrette avant la mort d’un proche. Alors l’Ankou, mythe ou réalité ? Chacun de vous se fera sa propre opinion.