La Bretagne historique compte 12 monnaies locales qui envisagent de se coordonner en monnaie commune en 2021. On fait le point sur le fonctionnement, les limites et les atouts de ces monnaies qu’on dit aussi complémentaires, alternatives et citoyennes.

Réécoutez l'émission avec Iwan Le Clec'h, urbaniste et géographe

Pratiquement toutes les monnaies sont « locales » car attachées à un territoire, plus ou moins étendu, de la commune à l’Europe… Depuis que les monnaies d’Etat existent, il existe aussi des monnaies parallèles, souvent nées après des périodes de crise. Ainsi en Suisse la monnaie inter-entreprise Wir s’est développée après la Seconde Guerre mondiale et qui fonctionne toujours.

La loi Hamon encadre les monnaies locales

Ces dernières années, des monnaies à une échelle plus réduite ont vu le jour. Monnaies complémentaires, citoyennes ou alternatives se déclinent la plupart du temps en billets (jolis et conçus pour éviter la falsification). En France, c’est la loi Hamon sur l’ESS (Economie sociale et solidaire) qui encadre l’émission des monnaies locales : il faut que la monnaie soit portée par une association qui créé autant d’unités monétaires que d’euros remis par les adhérents. Les euros en question sont conservés par des organismes financiers : banques comme le Crédit coopératif ou la Nef qui partagent les valeurs associées aux monnaies locales et peuvent investir dans des projets à forte dimension sociale et/ou environnementale.

Monnaies militantes au service de territoires ou de causes

Car la création d’une monnaie locale est souvent aussi un acte militant. L’intérêt de ces moyens d’échange est d’inciter les usagers à acheter les biens et services d’un territoire donné. Certaines monnaies locales sont fondantes pour inciter les détenteurs à les faire circuler et donc à consommer sur le territoire (le billet perd peu à peu sa valeur s’il est conservé trop longtemps). Les professionnels (commerçants, artisans, fournisseurs de services) qui acceptent de se faire payer en monnaie locale sont aussi engagés pour la défense d’un patrimoine culturel local (la langue basque par exemple) ou en faveur de la  transition écologique et sociale. C’est le cas notamment des 12 monnaies locales de Bretagne historique : l’Heol du Pays de Brest, la Bizh du Pays de Vannes, le Bif de Belle-Ile, le Buzuk du Pays de Morlaix, le Galais du Pays de Ploërmel, le Galleco (Rennes, Redon), la Maillette du Pays de Dinan, Saint-Malo, l’Ourse du Pays de Questembert à Férel, le Segal du Pays de Lorient, le Moneko sur le département de Loire Atlantique, le Rozo sur le Pays de Saint-Nazaire, le Pezh du Trégor et du Goëlo. Les associations qui les portent réfléchissent à une monnaie commune pour 2021 qui permettrait les échanges entre les différents territoires.

Forces et fragilités des monnaies citoyennes

L’échelle territoriale d’une monnaie complémentaire est un des déterminants de son succès. Si le territoire est trop étendu, les bénévoles de l’association qui portent la monnaie peineront à convaincre les professionnels de l’accepter et l’usage sera plus difficile pour les clients, contraints de parcourir de grandes distances (au détriment de leur bilan carbone) pour consommer. Les monnaies complémentaires fonctionnent donc souvent mieux en zone urbaine qu’en zone rurale. Cependant, le passage au numérique pourrait changer la donne et de plus en plus de monnaies locales s’y mettent (comme l’Héol du Pays de Brest récemment).
Autre condition de la réussite, l’implication des institutions : communes et intercommunalités, conseils départementaux et régionaux. Outre les subventions qu’elles peuvent verser pour lancer la monnaie (frais d’impression des billets et de communication), les collectivités locales peuvent proposer le paiement des services publics en monnaie locale (restauration scolaire, transports publics…) ; enfin, les élus peuvent être moteurs et légitimer l’usage de ces monnaies.