La science-fiction aborde beaucoup de sujets de société. Il en est un qui est plutôt sensible. La justice fait l’objet de nombreux fantasmes quand à son devenir dans un proche futur et pas forcement très positifs…

Comment les auteurs de SF envisagent l’évolution de cette part importante de notre civilisation et doit on s’attendre au pire ? 

Vous reprendrez bien un peu de science-fiction ?

Fiodor Dostoïevski a écrit : On ne peut juger du degré d’une civilisation qu’en visitant ses prisons.

Et si on faisait la même chose pour les œuvres de science-fiction ?

Aujourd’hui on va voir comment la justice est rendue et comment les sociétés fictives gèrent la criminalité.

Force doit rester à la loi disait Charles Pasqua et en général en sf c’est ce qu’il se passe.

Les modes d’action diffèrent selon les œuvres mais le portrait qui en est brossé n’est jamais flatteur.

Juste pour la déconne ?

Ca peut être une simple boutade comme dans retour vers le futur numéro 2

Extrait

Une caricature comme dans la comédie démolition man sortie en 1993 réalisée par Marco Brambilla.

Pardon ? , ho ben si c’est une comédie avec son méchant qui est grossier pour montrer qu’il est bien le méchant, le héros un poil bourru pour qui la fin justifie les moyens ,une forte tète individualiste.

Un héros américain dans toute sa splendeur, incarné par Sylvester Stallone

Le même Sylvester Stallone qui campera le personnage du juge Dredd, réalisé par Danny Cannon  2 ans plus tard.

Entre les deux films, c’est 2 salles /2 ambiances.

Dans démolition man on retrouve un los Angeles propre comme un sou neuf qui a été reconstruit après un cataclysme et qui lorgne gentiment vers le meilleur des mondes d’Aldous Huxley.

Mais à un point ! le personnage principal s’appelle Lenina Huxley .

Lenina est le personnage féminin principal du livre le meilleur des mondes d’Aldous Huxley.

A ce niveau ce n’est plus un clin d’œil mais la main sur la cuisse.

L’action commence en 1996 et le cadre n’est pas brillant, on découvre un los Angeles en proie aux flammes et vivant sous a menace d’un dangereux terroriste Simon Phoenix interprété par Wesley Snipes.

Et le seul capable de l’arrêter c’est John Spartan , le démolition man.

Ce qu’il va réussir à faire mais l’opération tourne mal et 30 otages sont tués.

Voila donc les 2 protagonistes congelés pour être « rééduqués » et devenir des citoyens acceptables 70 ans plus tard.

Mais vous vous doutez qu’à un moment ça va partir en sucette.

Simon Phoenix est décongelé pour une audience intermédiaire et parvient à s’échapper en tuant plusieurs personnes.

Il débarque en 2032 dans une société non-violente et aseptisée où règne la bienpensance.

Les forces de police ne sont plus habituées à un tel niveau de violence et c’est au tour de John Spartan d’ètre sorti du frigo pour retrouver Phoenix.

On va donc assister à une partie de gendarme et du voleur ,avec 2 participants qui agissent comme des éléphants dans un magasin de porcelaine.

 Le film joue sur un choc des cultures et un décalage temporel mais s’avère trop caricatural pour qu’on prenne au sérieux  le message qu’il porte : la dénonciation d’une société faussement heureuse et en paix fondée sur un monde souterrain beaucoup moins joyeux composé de ceux qui n’ont pas accepté la dictature d’un ordre nouveau liberticide et pas vraiment solidaire.

2 visions du même personnage

Dans juge dredd, c’est pas la même sauce.

Il y eu aussi un cataclysme et une reconstruction mais ça n’a pas super bien tourné…

On parle d’apocalypse nucléaire et d’une mégalopole Méga city one : ça fait pas rêver.

Là on a affaire à ce qu’on appelle une jungle urbaine, grosse densité de population, immeubles lugubres et pas un coin de ciel bleu.

Un peu comme dans blade Runner mais en moins bien.

Dans méga city one, c’est la violence et rien que la violence.

A tel point que pour faire respecter la loi, il y a les juges.

Et ils ne sont pas là pour enfiler les perles…

Ils sont à la foi policiers, juges, jurés et bourreau et expéditifs…

Ils sont à l’image de la ville :brutaux

Et un peut-être plus que les autres : le juge Dredd.

Réputé pour son manque d’empathie il n’est pas apprécié par grand monde , même par les autres juges.

Victime d’une machination, il passera alors de l’autre coté de la barrière et devra subir un système judiciaire inhumain auquel il aura participé.

Un remake mis en scène par Pete Travis sort en 2013.

Si le contexte est le même , le traitement du juge Dredd est très diffèrent : celui de 2013 interprété par Karl Urban est moins propre sur lui : mal rasé ,son casque a morflé et sa tenue a vecu. On est loin du Dredd Stalonien propre sur lui et étincelant.

Et une chose qui tranche avec celui de Stalonne , il garde son casque.

Le casque est le symbole du juge, ne laissant apparaitre que le bas du visage il lui garantit l’anonymat, il cache ses émotions, un peu comme une justice qui se doit d’être impartiale et ne doit pas être influencée par quelque jugement de valeur que ce soit.

Un parallèle avec Thémis la déesse de la justice avec le bandeau sur les yeux.

L’action se passe en 2033 une guerre a transformé les Etats-Unis en un gigantesque désert irradié. Il ne reste qu’une seule ville megacity one qui abrite 800 millions de personnes.

Et c’est pas la grosse poilade …

C’est une cité dangeureuse,violente, surpeuplée

la majorité de la population vit dans des énormes tours sensées servir d’abri dans le cas d’une nouvelle guerre ,dés fois que quelqu’un veuille détruire le peu de civilisation qu’il reste..

Mais d’une telle accumulation d’habitants il en découle des phénomènes bien connus: délinquance , trafics en tout genre …

Et c’est là qu’intervient le juge Dredd qui comme dans un jeu de plateforme devra escalader les étages d’une de ces tours pour parvenir au boss des trafiquants

Dredd est un huis-clos sombre violent ,une vision ultra pessimiste de l’avenir et celle d’une justice expeditive ,

50 %homme, 50 %machine, 100 % flic

Autre protecteur de la loi casqué : Robocop

Nous sommes à la veille de l’an 2000 et la violence ronge détroit.

La municipalité est au bord de la faillite, la police est privatisée et est gérée par un conglomérat avec tout le cortège de problème que l‘on peut craindre de la part d’une société qui n’a que peut faire avec les droits des travailleurs .

Ha le rêve américain.

Pour remplacer des policiers grévistes en puissance, le conglomérat en question l’OCP lance un programme de policier électronique, un cyborg pour être précis.

Un cyborg est un être humain amélioré par des éléments mécaniques et ou électroniques.

Mais pour faire un cyborg, il faut un humain.

L’humain en question c’est Alex Murphy , un policier victime d’une fusillade et laissé pour mort par ses assaillants.

Il est remis sur pieds à coup de greffes de membres mécanique : jambes, bras .. et devient Robocop

Mais il fait également l’objet d’une « reprogrammation » qui bride sa personnalité

Et toute son attention est désormais centré vers un seul but : lutter contre le crime.

Ce qu’il fait de manière efficace mais expéditive et par trop mécanique.

Mais voilà, Alex Murphy va commencer à prendre le pas sur Robocop.

Il va enquêter sur ses agresseurs et commencer à gêner beaucoup de monde.

Réalisé par Paul Verhoeven et sorti en 1988, le film fut une véritable claque visuelle.

Aussi bien du point de vue des maquillages, des effets spéciaux que de l’ambiance générale.

On plonge dans une Amérique des années 80, patrie de l’argent roi et au capitalisme décomplexé.

Une Amérique que l’on aime détester.

Isaac Asimov a lui aussi contribué au genre policier dans la sf.

Elijah Baley ,un de ses personnages emblématiques est un inspecteur de police à New-York et il doit parfois mener des enquêtes qui impliquent des spaciens.

Là vous ne trouverez pas de course-poursuite, de fusillade, on est plutôt du coté de Columbo que Rick hunter ( oui je sais référence de vieux…).

Il s’agit d’un simple flic qui doit côtoyer et enquêter sur une population qui éprouve un énorme sentiment de supériorité par rapport à des terriens sales et miséreux.

Un monde parfait ?

Jusqu’à présent, je vous ai dépeint des univers pour le moins …dystopiques.

Des sociétés violentes et qui avaient une police/justice en rapport, un peu comme une loi du talion.

Le prochain film dont je vais vous parler, propose une vision du monde à l’opposé de ceux précédemment évoqués.

Je vais vous le décrire et vous allez essayer d’en deviner le titre.

Nous sommes en2054 aux États-Unis , à Washington.

Une société expérimentale, grâce à 3 mutants peut prédire les crimes avant qu’ils ne se produisent.

Les agents de ladite société interviennent alors pour empêcher la commission du crime.

Au moment ou se déroule le film, nous sommes peu de temps avant un referendum qui va décider de l’extension de cette société à l’ensemble des États-Unis.

Et un petit grain de sable va gripper toute cette mécanique parfaitement agencée.

C’est bon vous l’avez reconnu ? pour les 2 du fond qui n’ont toujours pas percuté, il s’agit de Minority Report de Steven Spielberg sorti en 2002.

Le héros joué par Tom Cruise est John Anderton , le plus haut gradé de la société et grand ami du patron Lamar Burgess.

Dans le monde de minority report tout semble, propre, net, lisse, tout n’est qu’ordre calme et volupté.

Il est juste évoqué un vague bas-fond, repaire de trafiquants de drogue mais c’est tout.

Bon circulez il n’y a rien à voir, ah bon, c’est tout ça s’arrête là ?

Tout doux bijou, un truc devrait déjà vous mettre la puce à l’oreille : précrime une boite privée, qui exploite des mutants aux capacités extra-sensorielles qui peuvent prédire le futur sur qui tout le mécanisme de fonctionnement repose.

Donc privatisation des forces de l’ordre, qui plus est dans un but anticriminel, ce ne sont pas juste des querelles de voisinage.

Mais ce n’est pas tout, les actions sont menées sur de simples divinations, parce que c’est juste ça ,3 pauvres gamins qui ont des visions.

Vous reconnaitrez que les bases sont plutôt légères et que dire du délit d’intention.

Car si les agents de Précrime réussissent leu mission, le crime n’a pas lieu. Et jusqu’à présent on n’enferme pas quelqu’un qui a pensé à perpétrer un crime.

On ne va pas mettre quelqu’un qui a envisagé de tuer une autre personne, sinon il y aurait beaucoup de monde en prison.

Beaucoup ont déjà pensé à faire passer une tierce personne de vie à trépas, peut-être même en imaginant des scénarii et raffinements divers afin de provoquer le plus de souffrance possible.

Mais très peu le font, parce qu’il s’agit d’abord d’un exutoire et un contrat social très fort lie nos sociétés modernes, on ne tue pas une personne pour le moindre prétexte.

Certes pour le premier cas que l’on suit dans le film , le meurtrier semblait être sur le point de faire 2 victimes.

Mais ce n’est pas forcement le cas de toutes les affaires traitées.

Le rôle de précrime est d’empêcher les homicides donc s’il n’a pas lieu, il n’y a pas de criminel.

Alors pourquoi enfermer ces personnes ?

Une scène essaye maladroitement, à mon avis, de justifier ce principe.

Un enquêteur du département de la justice interroge John Anderton sur cet aspect un peu bancal.

Anderton lance alors une bille sur un bureau :

Extrait

Comment peut-on comparer la gravité à la psyché humaine autrement plus complexe et subtile.

Ca n’enlève rien à la cohérence du film ,il suit sa propre logique mais il dépeint une société dans laquelle j’aurais du mal a vivre .

Savoir qu’à n’importe quel moment vous pouvez voir débarouler une demi-douzaine de types casquées qui vous sautent dessus en vous annonçant que vous allez être enfermé pour un crime que vous n’avez pas commis…

Sans moi merci !

Pour le moment, je vous décrit une police et une justice qui s’occupent d’affaires entre humains.

Mais si à un moment un policier doit enquêter sur le meurtre d’un humain commit par un robot et que le robot en question est régi par les trois lois d’Asimov. Qui l’empêchent de manière absolue de tuer un humain.

Ha, comment on fait ?

C’est à cette question que va devoir répondre l’officier de police Del Spooner dans le film I robot d’Alex Proyas sorti en 2004.

Ce film est une intrigue policière sur fond de sf, ça passe bien à l’écran. Il fait toujours beau, l’humanité semble vivre en paix et les robots y sont pour beaucoup.

Ils sont serviables, prévenants, bref ils sont parfaits.

Il y a un autre film où cette vision est totalement opposée.

Les faucheurs

Ca se passe dans un paysage lugubre, on a l’impression qu’il y fait nuit tout le temps .. et cette pluie !

Dans Blade Runner, la cohabitation est beaucoup mais alors beaucoup moins pacifique.

Ici les robots sont remplacés par des réplicants, des humains de synthèse utilisés comme bêtes de somme pour des travaux pénibles ou dangereux.

A un moment ils se sont rebellés et ont été bannis de la Terre et si ils osent tout de même s’y rendre, les blade runner entrent en action.

Les blade runner , les faucheurs en français,  sont des policiers spécialisés dans la traque des réplicants.

Ces derniers étant créés à l’image des humains, ils sont difficiles à repérer.

Et sachant ce qui va leur arriver s’ils sont pris, ils font tout pour se fondre dans la masse.

Là aussi, c’est plus rapide et sans appel, tout réplicant identifié est retiré.

Doux euphémisme pour signifier qu’il est abattu sans sommation.

Mais si il se trompe ?

Le test Voigt-Kampf qui permet de confondre un réplicant parait infaillible mais il ne peut être parfait.

Toute machinerie, toute procédure a forcément un pourcentage d’erreur. Aussi infime soit-il , il est présent, la perfection n’existe pas.

Si on a affaire à une machine à retourner les pancakes, c’est juste gênant.

Mais là on parle d’une procédure qui dit si vous allez vivre longtemps ou pas.

La justice expéditive surtout accompagnée d’une sentence de mort ne supporte aucune erreur.

On ne peut se permettre le moindre doute  

Les supers héros

Qui dit justice dit aussi justiciers ,là le panel est très large, on a les mutants, celui qui se fait mordre par une araignée , l’amazone ,le soldat qui joue les cobaye , le playboy en armure, le dieu, l’extra-terrestre , celui qui court plus vite que son ombre, un archer ,un autre archer, une ancienne espionne soviétique,

Il y a aussi celui qui a vu ses parents mourir devant lui alors qu’il n’était qu’un enfant et qui fait une fixation sur les chauves-souris.

Lui sa vision de la justice est bien personnelle ce qui en fait un personnage trouble.

Mais je vous laisserais écouter les 2 numéros de l’émission Culture et vous sur les ondes de cette belle radio qu’est radio évasion qui lui sont consacrés réalisés par Audrey pour faire plus ample connaissance avec le chevalier noir.

Les Avengers et autres x-men auront droit à leur émission mais pour faire simple ont peut dire que bien qu’ils soient foncièrement bons, ils ne font pas dans la dentelle quand il s’agit de faire régner la justice.

Avengers veut dire vengeur en français et c’est là le problème, il s’agit parfois plus de la vengeance que de la justice.

Ils ne s’encombrent pas des impératifs auxquels sont contraints les forces de l’ordre et les représentants de la justice.

Dans la science-fiction, la police et la justice sont à l’image du monde dans lequel elles évoluent.

Parfois radicales et expéditives, parfois d’un abord plus policé , elles n’en restent pas moins d’une poigne certaine.

La justice est administrée sans coup fait rire et sans les garde-fous qu’on lui connait dans notre monde.

Le rôle de la sf est parfois de nous alerter sur les dérives qui nous menacent, hé bien dans ce domaine elle ne nous promet pas des lendemains qui chantent !

Les personnes qui y ont eu affaire disent que l’appareil judiciaire écrase tout le monde qu’importe de quel coté de la barrière vous êtes.

La justice en science-fiction elle, elle va plutôt vous broyer.

Le portrait que je vous ai dressé par le biais des films dont je vous ai parlé n’est pas le plus reluisant qui soit.

On peut se rassurer en pensant que la police et la justice répondent à la hauteur des sociétés dans lesquelles elles sont plongées.

Ça a tout de même des accents de cercle vicieux, qui du truand ou du flic a provoqué l’escalade ?

Un jour peut-être nous constaterons ce glissement et nous nous rendrons compte que nous avons finalement atterri en dystopie.

Il faudra juste être vigilant pour qu’un jour on ne voie pas des juges évoluer dans les rues sur leur moto et prodiguer une drôle de justice.

La loi c’est moi !

Je vous donne rendez-vous dans un mois pour un nouveau numéro de Vous reprendrez bien un peu de science-fiction.