Enfants et adolescents sur l’une des faces de l’Ara Pacis Augustae, « Autel de la Paix auguste » édifié par le premier empereur romain Auguste entre 13 et 9 av. J.-C., en l’honneur de Pax, déesse de la Paix.

Deuxième épisode de notre exploration de la vision du corps humain sous l’Antiquité romaine, du IIe siècle avant JC au IIIe siècle après JC, avec Pauline Huon qui a consacré sa thèse à ce sujet. Après les soins aux nouveaux-nés, entrons en adolescence…

Merci à la Société archéologique du Finistère pour son précieux concours. 

En fait, pas d’adolescence proprement dite chez les Romains, mais plutôt un passage à l’âge adulte, ou une sortie de l’enfance, finalement très progressive. La puberté est fixée légalement à 12 ans pour les filles et 14 ans pour les garçons ; c’est donc dès ces jeune âge qu’ils peuvent se marier… en théorie, car dans les faits, on attend que les enfants soient visiblement aptes à procréer et même à supporter l’acte sexuel. Entre 14 et 25 ans, la période de transition vers l’âge adulte peut donc être variable d’un individu à l’autre.

La puberté physiologique des jeunes Romaines et Romains

Selon Pauline Huon, la jeune fille pubère de haut rang est soumise à un examen gynécologique, pour s’assurer de son aptitude à engendrer : taille de la poitrine, réalité des menstruations, appareil génital, qualité du sang menstruel … La toge souillée par les premières règles est offerte aux divinités protectrices car le sang des premières menstruations est réputé puissamment magique. Pline l’ancien nous indique que ce sang peut être utilisé pour protéger les cultures. Selon l’historien, il faut aussi se méfier des femmes en période de menstruation : « une femme qui a ses règles fait aigrir le vin doux par son approche, en les touchant frappe de stérilité les céréales, de mort les greffes, brûle les plants des jardins ; les fruits de l’arbre contre lequel elle s’est assise tombent ; son regard ternit le poli des miroirs, attaque l’acier et l’éclat de l’ivoire ; les abeilles meurent dans leurs ruches ; la rouille s’empare aussitôt de l’airain et du fer, et une odeur fétide s’en exhale ; les chiens qui goûtent de ce sang deviennent enragés, et leur morsure inocule un poison que rien ne peut guérir. Bien plus, le bitume, substance visqueuse et collante qui, à une certaine époque de l’année, surnage au-dessus des eaux d’un lac de Judée, nommé Asphaltite, ne se laisse diviser par rien, tant il adhère à tout ce qu’il touche, mais se laisse diviser par un fil infecté de ce virus. Les fourmis même, animal si petit, en ressentent, dit-on, l’influence, rejetant les grains qu’elles portent, et ne les reprenant pas. »
Les humeurs des femmes sont considérées comme « chaudes » et les jeunes filles se doivent d’entretenir cette chaleur en courant et marchant vite, en se roulant dans la poussière et en chantant.

Les jeunes romains subissent quant à eux un examen détaillé dont les récits nous sont parvenus (comme celui de saint Augustin). C’est le père qui évalue la puberté et notamment la pilosité du pubis, la première éjaculation ; la mue de la voix est aussi scrutée, sans oublier les odeurs corporelles (comparées à celles du bouc). Les médecins préconisent quant à eux des remèdes contre les boutons : sel, vin, huile, sudation au trepidarium, alimentation adaptée, activité sportive.

La puberté sociale et le vêtement

Tous les enfants de citoyens portent une toge prétexte, bordée de pourpre, ce qui leur confère une valeur sacrée et donc protectrice (notamment contre la pédo-criminalité) ; les magistrats et prêtres en sont également revêtus. C’est un vêtement de cérémonie. Unisexe jusqu’à 10/12 ans dans les premiers temps de Rome. Les filles vont ensuite, à partir de l’âge de 10/12 ans, s’habiller et se parer comme des femmes pour séduire, dans une optique pré-nuptiale.

Les hommes vont atteindre leur statut d’adulte en trois phases : d’abord, par l’abandon des amulettes (bulla) et jouets qui sont  offerts aux divinités domestiques. Suit une procession jusqu’au forum pour la présentation du jeune homme à ses pairs, puis au Capitole pour un premier sacrifice, et des cadeaux à la communauté. C’est alors qu’est revêtue la toge d’adulte. Cette puberté sociale varie énormément selon les circonstances. Le futur empereur Caracalla revêt ainsi sa toge virile dès 13 ans alors que Caligula devra attendre ses 19 ans.  Après avoir revêtu sa toge virile, le jeune homme offre sa première barbe au cours d’une autre cérémonie vouée à plusieurs divinités. Les cheveux longs du petit garçons sont aussi coupés lors de son entrée dans l’âge adulte.

Pour les femmes, l’entrée sociale dans l’âge adulte c’est le mariage, qui sera le sujet de notre prochaine émission.