Dans cette troisième émission de notre série sur le programme scientifique Plages vivantes, on scrute la laisse de mer. C’est en effet le point de départ du programme : une opération de sciences participatives qui invite le public à observer avec attention cet écosystème du littoral et ses éventuelles évolutions liées au changement climatique.

Le site internet du projet de recherche Plages vivantes

Entretien avec Pauline Poisson, biologiste de la station marine de Concarneau et animatrice du programme

Après l’émission introductive sur les humanités environnementales dans le programme Plages vivantes, puis celle sur l’esthétique environnementale.du bord de mer, place au volet écologique du programme : l’observation de la laisse de mer, avec l’aide du public puisqu’il s’agit d’abord d’une opération de sciences participatives.

La laisse de mer, un écosystème

Il faut voir en la laisse de mer un petit univers grouillant de vie plutôt qu’un amas douteux et un peu répugnant qui borde le sable. Et c’est bien ce dont il s’agit : la laisse – ce que laisse l’océan sur la plage quand l’eau se retire – est un écosystème en soi. La laisse est constituée essentiellement d’algues et de débris des végétaux marins, mais aussi de bactéries, d’arthropodes (les célèbres « puces de mer »), de larves (de mouches) et de résidus d’origine humaine (micro et macro déchets). Les laisses de mer occupent généralement la partie haute de la plage mais elles peuvent aller et venir au gré des marées et des autres éléments qui les façonnent comme le vent. Leur densité, leur composition, leur volume varient selon les littoraux et les types de plages. En Méditerranée, la laisse est très fine. Le programme d’observation de Plages vivantes se concentre d’ailleurs sur le littoral Atlantique, la Manche et la Mer du Nord.

La laisse sert donc de garde-manger puisque les micro-animaux qui l’occupent sont eux-mêmes consommés par d’autres animaux, notamment les oiseaux de mer et les migrateurs. Par ailleurs, c’est un engrais pour certaines plantes de bord de mer dont les racines contribuent à fixer le sable, et la dune le cas échéant. Une laisse de mer épaisse peut aussi jouer les « murs protecteurs » contre l’érosion ou le déplacement du sable.

Observer pour apprendre, et apprécier

Les laisses de mer évoluent sans cesse, selon les saisons, mais aussi sans doute au gré des changements plus globaux. C’est l’une des questions majeures du programme Plages vivantes : la laisse de mer est-elle sensible au changement climatique ? Et si oui, quel est l’impact du changement climatique sur les espèces d’algues ou d’animaux ou d’autres caractéristiques de la laisse de mer ?
Le programme de sciences participatives a commencé avec les écoliers du littoral (CM) invités à observer la laisse sur le terrain, à l’aide d’outils conçus pour harmoniser le recueil de données. D’autres protocoles sont en cours d’élaboration pour observer les oiseaux qui se nourrissent sur la laisse et les plantes qui en dépendent. Observations qui s’ouvriront à un plus large public que les scolaires. L’idée est à la fois de recueillir des informations complémentaires de celles qu’obtiennent les scientifiques, mais il s’agit aussi de sensibiliser les usager.e.s de la plage à l’importance de la laisse de mer. Cette dernière peut en effet être menacée par les ramassages mécanisés des algues en période touristique, ou par la prolifération des algues vertes (qui étouffent le milieu) ou d’autres espèces « invasives » ou encore par le réchauffement climatique.

Trois journées d’études « Des vies avec des plages »

Les journées d’études « Des vies avec des plages » permettent de mieux comprendre comment la complexité des formes de vie et d’expériences humaines et non humaines peut être appréhendée sur ces milieux fragiles, mouvants, et chargés de forts enjeux socioculturels, patrimoniaux, esthétiques, écologiques et économiques. Au programme : des recherches inter- et transdisciplinaires, des expériences et des études de cas locaux, en sciences humaines et sociales (histoire, géographie, anthropologie, science politique, droit, économie, sociologie, esthétiques environnementales, arts) mais aussi en sciences de l’environnement, avec des spécialistes des écosystèmes des dunes, plages et estrans (écologues, phycologues), sans oublier les acteurs de la gestion et de la culture et leurs partenaires.

La première journée d’études, le 10 décembre 2020, était  consacrée à l’approche historique de la plage en Bretagne mais aussi en baie de Los Angeles, on s’y est aussi penché sur l’approche esthétique (les vagues, l’imaginaire sensible à la mer) et la recherche en art (en danse en particulier). 
La seconde journée d’études est prévue le 30 mars 2021
et portera sur la valorisation écologique des plages : expériences, gestions, savoirs.
Une troisième journée – le 18 mai 2021 – poursuivra la discussion sur la gestion écologique des plages.