Ces dernières semaines, nous avons découvert les créatures liées à la terre. Il est temps maintenant de nous équiper et d’aller voir ce qui se passe sous la mer, cette mer qui borde plus de la moitié des frontières de l’ancienne Cornouaille. Partons à la rencontre des plus célèbres de nos créatures marines : les sirènes.

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Lorsque vous parlez des sirènes en Cornouaille, plusieurs noms reviennent : sirène bien sûr mais aussi Mary-Morgane ou Morgane, alors mettons d’abord un peu d’ordre dans toutes ces appellations :

  • La sirène c’est la femme poisson, la moitié supérieure de son corps est celle d’une femme, la moitié inférieure est celle d’un poisson. Elle ne possède pas de pouvoirs magiques si ce n’est son chant qui peut provoquer des tempêtes mais aussi avertir les pêcheurs imprudents d’un grain en approche.

  • La Mary-Morgan ou Mary-Morgane, c’est une fée de la mer. Une femme de haut en bas, qui vit dans sous les eaux salées et a des pouvoirs magiques.

  • La Morgane n’a rien à avoir avec la fée du même nom. C’est un lutin marin femelle. Elle mesure trente centimètres de haut et a la peau bleutée. Elle ne dispose pas de pouvoirs magiques.

Voilà, je pense maintenant que les choses sont plus claires. Cette semaine nous nous intéresserons seulement aux sirènes.

Les multiples apparitions de sirènes au fil des âges

Par sa façade maritime importante, les êtres aquatiques ont toujours tenu une place de premier plan dans les légendes de Cornouaille où ils n’étaient pas considérés comme des êtres fabuleux mais dotés d’une existence réelle.

Ainsi des sirènes ont-elles été aperçues régulièrement sur les côtes du Finistère ou en face de Lorient. Leurs noms varient : Morzen à l’île de Groix, Morverc’h (littéralement fille de la mer), Morvoren en Cornouaille, Morwreg (femme de la mer).

Selon la tradition, elles seraient, en baie de Douarnenez, les filles de la princesse magicienne Dahut qui se transforma en sirène lorsque son père, le roi Gradlon, la jeta à l’eau pour échapper aux flots qui envahissaient la ville d’Ys.

Toutefois, les récits où la princesse Dahut apparaît datent du XIVème siècle alors que les sirènes sont connues depuis longtemps. Dès le VIème siècle, dans les textes relatifs aux voyages de Saint Brendan et de Saint Maclou, alors qu’ils voguaient vers la Bretagne, Brendan et ses disciples surprennent des sirènes accrochées aux bordages de leur esquif. Voyant en elles des créatures de Dieu, Brendan les baptise et pour le remercier les sirènes lui indiquent la bonne direction.

Cambry en 1797 rapporte qu’un homme de Douarnenez qui s’était avancé pour saisir une sirène qu’il apercevait sur les rochers de la pointe du Raz provoqua la fuite de cette dernière suivie d’un coup de vent qui jeta vingt bateaux alentours sur les rochers.

En 1873, F-M Luzel recueille le témoignage d’un habitant de l’île de Sein qui lui révèle que c’est le chant des sirènes qui provoque les tempêtes.

En 1897, une sirène apparut dans le chenal de l’île de Sein. Le rapport du témoin M. Boulain précise que « sa tête se dessinait au milieu des vagues : on apercevait de longs cheveux. Elle tournait autour de l’île comme pour trouver un endroit où accoster… »

Les derniers témoignages recueillis par J. Frison datent de 1911 dans les environs de Lorient et de Concarneau.

Au Cap Sizun, une sirène paraît assez fréquemment auprès des bateaux ; elle annonce toujours la tempête, et on lui donne le nom de Marie du Cap.
Les sirènes sont belles comme le jour et leur occupation favorite semble être de démêler leur longue chevelure blonde ou noire avec un peigne d’or.

On vante aussi la douceur pénétrante de leur voix, la puissance de leur séduction de leurs chants : elles connaissent de merveilleuses chansons, les airs d’autrefois sur les grands équipages et les rois de Bretagne mais aussi les merveilles des fonds des océans, qui feraient oublier père, mère, femme et enfants si on s’attardait à les écouter.