Grisailles dans la bibliothèque du château Borély (Musée des arts décoratifs de la Faïence et de la mode) peintes par Louis Chaix et représentant les Noces Aldobrandines – Scène de soutien à la future mariée et future mère – Crédit : Rvalette.

Quatrième épisode de notre série sur la vision du corps humain durant l’Antiquité romaine, du IIIe siècle avant JC au IVe siècle après JC, avec Pauline Huon qui a consacré sa thèse à ce sujet. Après le mariage venait logiquement le temps de la conception des enfants ; rôle essentiel et quasi unique de la femme romaine qui pouvait trouver auprès des médecins toutes sortes de recommandations. Certaines nous paraissent encore aujourd’hui de bon sens et d’autres pour le moins farfelues !

Merci à la Société archéologique du Finistère pour son précieux concours. 

Nous avions terminé la précédente émission juste avant la nuit de noces. Nombre d’auteurs romains conviennent que cette dernière n’est pas un moment agréable physiquement pour la jeune femme, encore vierge ou censée l’être. On l’associe plus souvent à la brutalité qu’à la douceur. Le marié s’y comporte en guerrier ! Nombre de divinités fonctionnelles sont invoquées pour assister les jeunes époux lors de la nuit de noces, y compris Prema dont le rôle est de contraindre la jeune mariée à se soumettre au bon vouloir de son époux.

La fertilité de la femme romaine

Les médecins romains définissent avec précision le physique idéal de la future mère : elle ne doit pas être masculine, ni rousse, ni trop grasse ni trop maigre, pas amollie (la femme romaine devait être sportive), avec des hanches assez larges, une poitrine pas trop grosse car elle risquerait  d’étouffer l’enfant. Le corps de la femme est comparé à un four dans lequel va maturer l’enfant comme le pain.

Des tests de fertilité sont décrits pour s’assurer que la jeune femme peut concevoir ; en particulier un tampon de laine imprégné d’odeurs fortes comme de l’ail inséré dans le vagin et qui indique une fertilité si l’odeur d’ail remonte jusqu’à l’haleine de la jeune femme.

On peut aussi « lire » les capacités à concevoir dans la quantité du sang menstruel, sa couleur et sa qualité.

Avant l’acte sexuel, la femme est invitée à consommer des aliments de forme phallique comme du panais, du poireau, du concombre ou des mixtures peu ragoûtantes comme de la fiente d’épervier ou de la matrice de hase broyée…

Les Romains ont tout à fait conscience du rôle de l’élément masculin dans la fécondation et l’homme n’est pas tout à fait oublié des recommandations médicales ou des prières aux dieux. Les ex-votos retrouvés dans le Tibre avaient aussi bien la forme de vulves que de phallus.

De même, certains médecins constatent que les couples s’assemblent plus ou moins bien. Des « assemblages » sont fertiles, d’autres moins. Caton l’ancien « prêta » ainsi sa fertile femme Marcia à son meilleur ami qui ne parvenait pas à avoir d’enfants, le temps que celle-ci lui donne un héritier, avant de la reprendre pour épouse.

Pour un bel et bon enfant

En plus d’un physique robuste, la future mère doit faire preuve d’un psychisme équilibré. Une femme fragile psychologiquement ou d’humeur instable risquerait de contaminer l’enfant ; de même qu’un pied bot ou des taches de naissance sont réputées héréditaires.

Pour les romains, la conception passe aussi par le regard : la femme du tyran de Chypre n’aurait pas dû regarder des singes pendant l’acte sexuel duquel sont nés des enfants « simiesques ».  L’ivresse de la femme pendant l’amour déformerait sa vision et risquerait de générer un enfant difforme (alors que le père lui peut boire car l’alcool est réputé augmenter la quantité de sa semence). Pour cette raison, les peintures de la chambre nuptiale doivent présenter de beaux sujets humains. 

Les médecins romains proposent divers remèdes qui permettent de modeler le fœtus : une décoction de chardon ou des testicules de coq pour avoir un garçon, la racine d’une variété d’orchidée (qui évoque une vulve) pour avoir une fille.

Pour que l’enfant puisse avoir des yeux noirs (critère de beauté apprécié des Romains) manger de crottes de souris est préconisé… Le plus simple (et plus appétissant) étant sans doute l’hermésias que Pline l’Ancien « définit comme « une composition pour procréer de
bons et beaux enfants, faite de pignons de pin broyés avec du miel, de la myrrhe, du safran et du vin  de palmier, puis additionnée de théombrotion et de lait ».

Bien sûr, les divinités sont invoquées avant, pendant et après la conception. Junon, protectrice des femmes est particulièrement sollicitée. Les Romains recourent aussi à la lithothérapie (soin par les pierres) ;  l’agate est ainsi réputée aphrodisiaque alors que l’orite, contraceptive, est à éloigner.

Une grossesse sous très haute surveillance

Une fois enceinte la femme doit aussi veiller à son alimentation, à sa tenue (ample avec ceinture pour soutenir la lourdeur du ventre) ; les médecins romains prêtent attention au bien-être des femmes pendant leur grossesse… Le calme physique et psychique est préconisé. il leur est recommandé d’observer un repos total des premiers jours de la conception, d’éviter de s’asseoir sur des sièges trop durs… les vomissements, les éternuements et toutes les secousses du corps sont réputés dangereux pour le fœtus. Les bains sont proscrits le premier mois de grossesse alors qu’ils sont recommandés en fin de gestation.
Pline recense par ailleurs les cas d’avortements spontanés et liste les événements qui leur sont associés : manger un œuf de corbeau, voir un lièvre marin.