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L’océanographe Paul Tréguer est un spécialiste du silicium ; il a dirigé la publication récente d’une synthèse sur le cycle de cet élément dans l’océan. De très nombreux organismes vivants – y compris les humains – utilisent le silicium.

Un résumé du travail de Paul Tréguer sur le site internet de l’IUEM

Le silicium est le 8e élément le plus présent dans l’univers et notamment dans notre galaxie, sur les planètes telluriques comme la nôtre. Sur Terre, ce métalloïde est extrêmement répandu (le 2e en abondance), pas à l’état natif mais en association avec l’oxygène, pour former de la silice (SiO2). Sous forme minérale, il forme par exemple le quartz et tous les minéraux silicatés.

Paul Tréguer s’est intéressé au silicium en travaillant sur les micro-algues comme les diatomées. Car ces dernières, comme tant d’autres êtres vivants, utilisent le silicium ; les éponges ou de petits animaux microscopiques, les rhizaires, ont aussi des « exosquelettes » en silice. Les biologistes émettent l’hypothèse que la silice améliore l’absorption de la lumière par les cellules des organismes marins. Sur les continents, les plantes produisent de la silice qui participe à leur structure et les protège des prédateurs, et même notre cerveau en contient !

Le silicium venu des grands fleuves et capté par les micro-organismes marins

Dans l’océan, les principales sources de silicium (dissous) ce sont d’abord les fleuves : les grands fleuves des zones tropicales et équatoriales où l’intense lessivage des roches silicatées par les pluies rejette beaucoup de silice dissoute dans les océans, mais aussi les résurgences souterraines côtières. En Bretagne, on est en train de démontrer que les tempêtes qui « secouent » le sable de nos plages accélèrent aussi la libération du silicium dans l’océan.

Quant à ceux qui captent le silicium de l’océan (les puits), ce sont essentiellement les organismes vivants : diatomées, radiolaires… quand ils meurent, ces organismes s’accumulent au fond de la mer et redéposent le silicium qui sera lentement recyclé (sous forme minérale cette fois) et progressivement rendu à la terre par le jeu de la tectonique des plaques. Du silicium se transforme aussi directement en minéral mais de manière plus marginale. En tout cas, le cycle naturel du silicium dans l’océan s’équilibre…

Et si les diatomées disparaissent ?

Sauf quand les humains s’en mêlent. Nos activités peuvent en effet perturber le cycle du silicium, en particulier les apports dans l’océan. Localement, l’agriculture intensive, par le remembrement et la disparition des talus, favorise le lessivage, un ruissellement des eaux plus rapide qui accélère les apports en silicium dans l’océan. Au contraire, certains barrages, comme celui d’Assouan en Egypte, ont tendance à bloquer les apports de silicium en amont de la retenue.

A l’échelle de la planète, l’apport de silicium vers l’océan risque de diminuer à cause du réchauffement climatique, selon les études des scientifiques du GIEC. Si c’est le cas, c’est la population des diatomées et autres micro-organismes marins qui en pâtira, et tous les animaux qui s’en nourrissent en subiront les effets.

Des extra-terrestres en silicium ?

Une vie à base de silicium, à l’image de la nôtre fondée sur la chimie du carbone, serait-elle possible, comme l’a imaginé la série Star Trek ? Ce serait envisageable, mais dans un univers fait d’azote liquide, d’océans de méthane et de nuages d’acide sulfurique… pas très hospitalier pour nous !

Réécoutez l’émission consacrée aux voyages de Paul Tréguer et à son blog Repères-évolution du monde