On peut dire sans trop se tromper qu’Akira a permis à l’animation japonaise d’acquérir ses lettres de noblesse auprès du grand public français et occidental.

Révolutionnaire techniquement mais foncièrement défaitiste ,cette œuvre qui tend vers le nihilisme nous met face à une question

Le seul avenir qui nous attend ressemble-t-il à une gigantesque déflagration ?

 

Vous reprendrez bien un peu de science-fiction ?

Pour le premier numéro de la 3 éme saison, je vais vous parler d’une œuvre qui a largement participé à la diffusion des manga et de l’animation nipponne auprès du public français.

Aujourd’hui je vais vous parler d’AKIRA.

Mais avant ça je vais vous raconter comment j’ai découvert cette œuvre.

A l’époque, au début des années 90, alors adolescent, j’écumais le rayon sf de la bibliothèque municipale de Quimper.

Oui , il y avait un rayon sf et plutôt bien fourni ,mais forcement minoritaire.

Au bout de plusieurs années, je l’ai évidemment complètement rincé.

Un samedi matin alors que je n’avais plus rien a me mettre sous la dent, je me suis dirigé vers le rayon bande dessinée.

A coté des grands classiques, il y avait quelques bd de sf , Valerian, Blake et Mortimer , j’aperçois une bd d’une épaisseur peu commune.

180 pages ! ,on est bien au-delà des 50/60 pages des bandes dessinées européennes.

C’est d’abord le coté pragmatique qui a parlé, cool beaucoup plus de lecture dans un même livre !

Mais une fois que je l’ai ouvert …

 Une révélation ! ce terme est parfois galvaudé mais là ce fut réellement le cas.

Un univers s’ouvrait à moi.

J’en étais tout à ma joie de la découverte d’un nouveau genre littéraire qu’un jour en regardant la télé ,je tombe sur cette musique

Une publicité pour le long métrage d’animation AKIRA … ,

Mais ça j’y reviendrais un peu plus tard.

De la bonne grosse dystopie ….

Donc , l’histoire d’Akira ,c’est quoi ?

Nous sommes en 2030 à Néo -Tokyo

 Le monde se remet plus ou moins bien de la troisième guerre mondiale qui a démarré à Tokyo le 6 décembre 1992.

L’attaque japonaise sur Pearl Harbor a eu lieu un 7 décembre ,clin d’œil ? , peut-être ….

Toujours est-il que ce n’est pas la joie à Néo Tokyo.

La ville a renait de ses cendres, c’est une mégalopole où s’élèvent des gratte-ciels aussi gigantesques les uns que les autres.

La ville ressemble à celles qui, en Europe, après la seconde guerre ont été reconstruites dans un souci d’efficacité pour palier rapidement au problème des sans-abris.

En architecture, il existe un terme pour designer ce style de construction, le brutalisme.

Le nom est riche de promesses…

Dans néo-Tokyo on retrouve cet esprit à savoir du béton, beaucoup de béton … et très peu d’espoir.

Les 30 glorieuses de la reconstruction sont passées et l’horizon semble bétonné à l’infini.

L’avenir ne semble plus vraiment radieux , la jeunesse l’a bien compris et n’en attend pas grand-chose.

Un futur sans lendemain 

C’est dans une société morne que l’on retrouve nos protagonistes.

Ce sont de jeunes élèves dans un centre d’insertion et d’apprentissage, là où se retrouvent ceux qui n’entrent pas dans le moule de l’éducation « classique » et qui se retrouvent un peu à la marge.

Un peu comme …

Mais non, toute ressemblance avec un système bien connu n’est qu’une coïncidence fortuite…

C’est à ce moment que nous faisons la connaissance de 2 des personnages principaux, Kaneda et Tetsuo .

Le premier est le chef d’un gang de motards, le second est un de ses lieutenants.

Ils trompent leur ennui en sillonnant les anciennes autoroutes de la région de Tokyo.

Pas dans le genre petite balade pépère entre potes, mais de courses effrénées pour savoir qui ira le plus vite, freinera le plus tard.

A ce jeu Kaneda est le plus fort mais Tetsuo prend tous les risques pour le battre.

Et au cours d’une de ces courses …

Alors que Tetsuo a pris la tête , il aperçoit  une silhouette dans la lumière du  phare de sa moto  mais il est trop tard, il va le percuter !

Sa moto explose et le jeune homme est projeté au sol ,mal en point.

Kaneda arrive à temps pour voir la personne responsable de l’accident..

Il s’agit d’un enfant mais avec les traits d’une personne âgée ….

Kaneda a à peine le temps de comprendre ce qu’il se passe que l’enfant disparait comme par magie en se dissipant dans l’air.

Interviennent alors des militaires qui embarquent un Tetsuo inconscient pour une destination inconnue.

Le lendemain , l’equipe se retrouve au lycée et est convoquée par le proviseur pour une ,comment dire ?, une séance de rattrapage pédagogique.

Le soir, toujours sans nouvelles de Tetsuo, la bande de jeunes se retrouve dans leur bar habituel.

Le hasard veut qu’il y croisent un couple étrange qui semble sur le défensive ,il se trouve que les 2 personnes sont des révolutionnaires et qu’ils recherchent le petit garçon qui a causé l’accident de Tetsuo la veille !

Et toujours pas hasard , le garçon en question ère non loin du bar en question , Kaneda et son groupe lui tombe sur le râble ,bien décidé à lui demander des comptes sur l’événement de la veille.

Or le petit garçon semble disposer de pouvoir et se sentant piégé, il en fait une démonstration spectaculaire

Sans même la toucher il explose la vitrine auprès de laquelle il était aculé et c’est ensuite au tour de toute la façade de l’immeuble qui surplombe la vitrine qui s’effondre !

L’équipe de Kaneda évite de justesse de se faire écraser par les débris et le petit garçon disparait une nouvelle fois.

Mais il y a un autre groupe qui recherche lui aussi le petit garçon : l’armée

Et tout le raffut qui vient de se produire l’attire elle aussi sur les lieux.

Mais la traque pour retrouver le petit garçon ne s’arrête pas pour autant.

Un des révolutionnaires arrive à la récupérer et lui disant que c’est son équipe qui l’a libéré.

Sur ces entrefaites , Kaneda, qui n’a toujours aucune idée de ce qu’il se passe, les retrouve  en pleine discussion ,bien décidé à venger son ami.

Mais déjà un premier militaire les approche et tout le monde fuit.

Le petit garçon et le révolutionnaire disparaissent , Kaneda se retrouve mis en joue par le militaire et ne doit son salut qu’à la femme du couple de revolutonnaire.

C’st alors une course poursuite effrénée entre la révolutionnaire, Kay accompagnée de Kaneda et L’homme du couple, Ryu accompagné du petit garçon, pour échapper aux militaires qui investissent le secteur.

Les 4 fuyards se retrouvent et s’enfoncent dans les égouts pour échapper à leurs poursuivants.

Masi Takashi ne va pas bien et son état empire de minutes en minutes.

Alors qu’ils sortent des égouts , un autre jeune garçon, Masaru les rejoint.

 Masaru appelle le premier garçon par son prénom, Takashi ,ce qui surprend les révolutionnaires.

Car eux, ils cherchaient un autre garçon, Akira.

Voila que tout ce beau monde est rattrapé par les militaires qui les encerclent.

Kaneda met alors en joue Takashi avec un pistolet et menace de le tuer.

Menace contre carrée par Masaru qui provoque un mini séisme qui sème la panique et permet à Kay , Ryu et Kaneda de fuir , laissant derrière eux le pauvre Takashi aux mains de l’armée.

Le lendemain , Kanada retourne au lycée comme si de rien n’était et a la surprise de retrouver Tetsuo fraichement sorti de l’hôpital .

Il semble ne pas avoir de séquelles de son accident mais son comportement va changer , il va devenir de plus en plus agressif.

Lors d’une bagarre avec un gang rival ,le gang des clowns , il manque de peu de tuer un adversaire.

Quelques jours plus tard , le même motard que Tetsuo a failli tuer revient pour régler ses comptes mais là Tetsuo va au bout et fait exploser le crane du loubard.

Littéralement san même le toucher  , il semble que Tetsuo développe des pouvoirs semblables à ceux de Takashi.

Il va alors se retourner contre ses anciens amis qui vont tenter de stopper sa quête meurtrière à la recherche d’un certain Akira.

Je vais arrêter ici la narration de l’histoire , j’en suis à la fin du tome 2 sur 13….

Il y a encore beaucoup a raconter

L’histoire se raconte sur plusieurs niveaux, celle de gamins livrés à eux-mêmes , celle d’un groupe révolutionnaire au ordres d’un politicien peu scrupuleux , celle d’un colonel de l’armée japonaise qui ne redoute qu’une seule chose , qu’on ouvre une nouvelle boite de pandore.

Un créateur résigné

Mais avant de parler d’Akira, je vais evoque son créateur, Katsuhiro Otomo.

Il est né en 1954 dans la préfecture de Miyagi au Japon .

Passionné de sf et de manga , en particulier l’œuvre d(Ozamu tesuka , le créateur d’Astro boy ,connu sous le nom d’Astro le petit robot en France.

C’est logiquement qu’il se lance dans une carrière de mangaka a 19 ans.

C’est en 1982 qu’il commence la publication d’Akira sous forme d’épisodes qui dureront pendant 9 ans !

Peu prolixe sur son œuvre, Otomo dira cependant qu’il s’est inspiré d’œuvres mettant en scène une jeunesse perdue  tel la fureur de vivre.

Est-ce alors un hasard si Kaneda est souvent affublé d’un blouson rouge comme celui que porte James Dean dans ce film ?

Ce sera dorénavant sa patte , les anti -héros , les bad boys, les rebelles.

Tetsuo en est le parfait exemple.

Au début de l’histoire, il est un personnage de second plan , quasiment un faire-valoir.

Le petit oisillon perdu et recueilli par le chef charismatique de la bande.

Il est toujours en retrait , un peu maladroit , il est traité  avec beaucoup de condescendance de la part des autres membres du groupe.

C’est à la faveur de son accident que sa position va changer.

Le choc avec Takashi va révéler en lui des pouvoirs jusqu’alors inconnus.

Mais qui vont se révéler dévastateurs pour les autres et pour lui-même….

Un pauvre petit garçon en quête de reconnaissance qui va utiliser ses pouvoirs pour s’imposer mais qui vont le ronger de l’intérieur.

Une sorte d’autodestruction que l’on retrouve à un autre niveau dans le manga.

L’explosion qui est évoquée au début d’Akira  et qui déclenche la troisième guerre mondiale n’est pas d’origine étrangère .

Le japon n’est pas à nouveau victime d’une déflagration cataclysmique provoquée d’un autre pays.

On l’apprend rapidement, il s’agit d’une expérience menée par des scientifiques qui jouent aux apprenti-sorciers qui ne maitrisent pas du tout la puissance mise à leur disposition et qui fatalement tourne mal.

C’est peu de le dire…

Un passé lourd a porter ….

Vous aurez compris que l’explosion qui débute le récit est une analogie à celles qui ont frappé le japon les 6 et 9 Aout 1945.

Le Japon a l’insigne honneur d’être le seul pays a avoir subi les outrages de la bombe atomique, à 2 reprises qui plus est…

Et cette particularité pèse encore énormément sur le pays.

Les japonais restent encore traumatisés par cet affront qui leur a été fait.

L’art et le cinéma en particulier ont servi de catharsis avec entre autre Godzilla , monstre réveillé par les radiations et qui ravagera le pays.

Akira également , mais Katsuhiro Otomo en a une vision plus défaitiste , au cours d’une interview il dira :

Ce qui s’est produit à Fukushima, la contamination nucléaire, les gens déplacés, l’inanité des institutions m’a brutalement replongé dans l’univers d’Akira. Je savais déjà à l’époque que ce genre de catastrophe allait se produire.. La vraie question n’est pas de savoir si cela se produira, mais plutôt quand. S’il y a autant d’explosions dévastatrices dans mes histoires, c’est parce que je suis malheureusement convaincu que tout se terminera ainsi

Ça ne respire pas la joie de vivre et les lendemains qui chantent tout ça.

Pour la petite histoire, il est né dans la préfecture de Miyagi qui jouxte celle de Fukushima….

On est loin du feu purificateur annoncé par la bible.

Là on est plutôt avec des enfants qui jouent avec des allumettes.

Et des cendres de l’incendie ne renait pas une société nouvelle et prometteuse mais un état encore plus lamentable que le précèdent.

Mais ce n’est pas le seul sujet abordé dans Akira.

Il s’agit d’un transhumanisme bien avant l’heure et qui ne dit pas son nom.

Je ne vais pas trop m’étaler sur le sujet pour ne pas divulgâcher le manga.

Je vais simplement vous dire qu’il y est question d’expérimentations qui auraient pu avoir leur place dans l’esprit tordu des scientifiques du 3 eme Reich.

Au tour du film

Je vous avais aussi parlé d’un film sorti en 1991.

En vous présentant le manga, je vous avais parlé d’une revelation.

Mais quand j’ai vu le film… le terme de claque visuelle serait plus approprié.  

Ce terme est parfois galvaudé , mais là il prend tout son sens.

Le film ne reprend pas toute l’histoire du manga, vu qu’il a été réalisé avant la fin de celui-ci.

Mais on y retrouve beaucoup des éléments marquants du manga.

Ainsi que l’ambiance oppressante, on sent la tension sociale monter , les grèves, les manifestations comme un parfum de révolution.

Ce qui marque également, c’est le rendu visuel , en 1991 on n’ets pas haitué à ça.

L’image est d’une fluidité !

Le nombre d’image pas seconde est tout simplement le double de ce qui se fait habituellement.

Le souci du détail va même jusqu’à reproduire les défauts que l’on trouve dans un film « classique », des lumières qui laissent des traces sur la pellicule, des aberrations visuelles lors des gros changement de lumière.

L’exploit est d’autant plus remarquable quand on sait qu’à l’époque tout se fait à la main.

Ca demandera la réalisation de 160 000 celluloid !

Un celluloïd est une feuille de plastique transparente sur laquelle on peint tout ce qui sera visible à l’écran.

Et il en faut 24 par seconde !

Un travail de titan …

Le petit plus d’un film d’animation, c’est que les images bougent(logique).

Mais quand le matériau de base offre déjà une violence graphique , c’est un euphémisme pour dire que c’est gore, la dureté du propos frappe d’autant plus dans un film.

Je défie quiconque de ne pas se sentir ,ne serait-ce qu’un peu ,mal à l’aise lors de la scène finale.

Petite anecdote, dans le film les dates changent un peu et l’action du film se situe en 2019 alors que Tokyo galère à préparer les futurs jeux olympiques de 2020….

Comme quoi, l’anticipation ne se trompe pas toujours.

Source d’inspiration

Akira aura beaucoup marqué la culture populaire

Le film Chronicles de Josh Trank sorti en 2012 fait beaucoup penser à ce qui arrive à Tetsuo.

En 2018 ,c’est Steven Spielberg qui rend hommage à l’œuvre d’Otomo en mettant en avant la magnifique moto rouge de Kaneda dans son film Ready player one.

Le meilleur hommage sera peut-être celui de Kanye West qui dans le clip Stronger en collaboration avec les Daft Punk en fera quasiment une adaptation live.

Jalon dans le monde de la sf , l’œuvre de Katsuhiro Otomo n’est pas franchement positive, elle ne respire pas les lendemains qui chantent.

Fataliste dans son approche, il pense que le monde court gentiment à sa perte et qu’il finira dans une grosse explosion, il signera une œuvre majeure qui heureusement franchira les frontières du Japon.

Il a tout simplement voulu dépeindre le monde qu’il avait devant les yeux et comment il le voyait évoluer.

En cela ,il rejoint Albert Camus qui le 8 aout 1945 écrira dans le journal combat :

La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie.

Il va falloir choisir dans un avenir plus ou moins proche entre le suicide collectif et l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.

Moralement plombante mais visuellement très riche son œuvre est devenue une référence et peut-être nous servira-t-elle de signal d’alerte.

N’est-ce pas finalement le but de l’art :nous faire réagir et de la sf : nous faire réfléchir ?

Avant de vous quitter, je voudrais vous parler d’un evenement qui aura lieu les 13 et 14 novembre prochain à Quimper : le Finistellaire.

Et pour vous expliquer de quoi il est question, je reçois Guillaume ,président de l’association la 29 eme dimension qui organise le Finistellaire.

Interview

 

Je vous donne rendez-vous le mois prochain pour un nouveau numéro e Vous reprendrez bien un peu de science-fiction ?