Hercule Invaincu, IIè siècle av JC, conservé aux musées du Capitole à Rome

Axelle Lamour consacre sa thèse aux cultes gentilices sous la République romaine. Ces rituels et dévotions à une divinité étaient assurés par une famille pendant plusieurs générations, avant d’être parfois, récupérés par le pouvoir public.

Merci à la Société archéologique du Finistère pour son précieux concours. 

En ce qui concerne l’Antiquité romaine, il est plus juste de parler de religions au pluriel… les Romains avaient emprunté leurs divinités aux Étrusques, aux Grecs, aux Égyptiens et à d’autres encore au fil des époques. Leurs pratiques religieuses variaient aussi selon les territoires. Le plus important pour les Romains était moins la croyance que la praxis, la pratique des rituels conformément aux codes définis par la société.

Sous la République romaine (de 509 av. JC à 14 av. JC), des clans puissants, les gentes, étaient déjà garants depuis plusieurs générations de cultes à une divinité. Axelle Lamour (enseignante à l’UBO – CRBC) consacre sa thèse à ces cultes dits « gentilices ». Il y en avait bien d’autres : ceux qui étaient publics (avec jours fastes et néfastes), ceux qui étaient réservés à certains corps de métier…

À chaque famille (puissante) sa divinité

Les cultes gentilices étaient plus courants au début de la République romaine et se sont peu à peu étiolés. Chaque gens avait donc sa divinité à honorer, de génération en génération, selon les origines mythologiques de la famille. On sait peu de choses des pratiques et rituels de ces cultes, sans doute émaillés de prières, gestes, sacrifices et libations (aspersions de liquide). Il s’agissait de perpétuer la mémoire des ancêtres mais aussi d’asseoir le pouvoir de son clan sur la cité, de faire acte d’ostentation. Seules les grandes familles romaines assuraient un culte gentilice.

Le plus connu et le plus traité par les historiens était celui d‘Hercule. Le héros des 12 travaux était vénéré à Rome à  l’Ara maxima par les familles Pinarii et Potitii. Cependant, en -312, le censeur Appius Claudius Caecus étatisa le culte et le fit passer sous la gouvernance du prêteur urbain, assisté d’esclaves publics. Le culte d’Hercule à l’Ara Maxima est devenu un culte public, symbolisant l’érosion progressive du pouvoir des gentes, allant de pair avec l’affirmation d’un état fort.

La forme des cultes gentilices était parfois surprenante. La famille Servilia nourrissait avec de l’or et de l’argent un triens (petite pièce de monnaie) de cuivre, considéré comme sacré, auquel ils vouaient tous les ans un sacrifice et on dit que la taille du triens variait selon la fortune à venir de la famille.

Certaines fêtes publiques intégraient des éléments gentilices à leur célébration, comme les Lupercales, rite de purification et de fertilité pratiqué en fin d’hiver (mi février), près d’une grotte surnommée Lupercal, dans laquelle la louve aurait allaité les jumeaux Romulus et Rémus fondateurs de Rome. Le rite était dédié à Faunus et sa première partie, privée, était assurée par deux personnages dont les noms évoquaient deux grandes familles romaines. Les Fabiani et les Quinctili, sacrifiaient des ovins ; deux jeunes nobles issus de ces deux groupes étaient ensuite touchés avec les couteaux ensanglantés, tandis que d’autres devaient les essuyer avec de la laine trempée de lait. Ces deux jeunes gens devaient immédiatement éclater de rire. Les peaux de chèvres et de moutons sont ensuite découpées pour fabriquer des pagnes et des lanières de fouets. Après cette étape seulement, la partie publique de la fête est lancée, sous la forme d’une course partant du Lupercal. Les luperques s’élancent, dotés d’un seul pagne pour habit, et flagellent les gens qui viennent à leur rencontre, notamment les femmes.

La disparition progressive des cultes gentilices

Tout pittoresques qu’ils aient été, les cultes gentilices étaient aussi des marqueurs du pouvoir des grandes familles romaines. Certaines gentes se sont éteintes au fil des années, faute de descendance, et les cultes qu’elles pratiquaient ont disparu avec elles. Mais dans d’autres cas, c’est bien le pouvoir public qui a repris la main sur les dévotions à telle ou telle divinité, privant sa gens d’une expression de sa puissance.