Pendant cette longue période que fut le Moyen Âge, à quoi ressemblaient vraiment les villes ? Qui y vivait ? Comment étaient-elles organisées ? Yves Coativy, président de la Société archéologique du Finistère et historien médiéviste nous plonge dans l’urbanisme médiéval !
Yves Coativy, président de la Société archéologique du Finistère
La continuité entre les cités antiques et les villes médiévales n’a pas toujours été assurée Vorganium/Plouneventer disparait, Vorgium/Carhaix ou Corseul se réduisent fortement … mais quelques villes bretonnes ont tenu, derrière leurs murailles, à l’instar de Vannes, Rennes et Nantes, fortes de leurs évêchés.
Pouvoir et économie les deux mamelles de la ville médiévale
C’est en l’an mille que le redémarrage est plus net, d’autres cités épiscopales gagnent en dynamisme comme Quimper, Saint-Pol-de-Léon, Tréguier, Dol-de-Bretagne. L’économie maritime redémarre également : Nantes en profite largement, et d’autres ports plus modestes, y compris fluviaux. Fougères, Clisson, Brest se développent autour de leur château.
Caractérisent donc la ville : une autorité ecclésiastique ou civile, des remparts (mais pas forcément, Saint-Renan n’en avait pas), une densité de population, des spécialités exclusives : orfèvres, marchands drapiers, commerçants internationaux (comptoirs), et la présence des ordres mendiants : carmes, franciscains, dominicains… ils y ont des couvents et ils mendient pour eux-mêmes et pour les pauvres auxquels ils viennent en aide. La ville a ses pauvres en effet, 10% de la population (même proportion qu’à la campagne) : mendiants, estropiés, gens âgés ou malades, prostituées. Au-dessus de cette cohorte misérable, les compagnons et apprentis forment une « classe ouvrière » au service des commerçants et artisans de toutes sortes qu’on peut qualifier de « classe moyenne urbaine’. Les grands marchands, qui sont souvent représentants du pouvoir du Duc de Bretagne, ainsi que quelques nobles et les abbés, évêques et leur cour constituent l’élite des bourgeois (toute personne qui habite à l’intérieur de la ville est qualifiée de bourgeoise quel que soit son rang).
Tenir le haut du pavé en sillonnant des rues insalubres
La ville médiévale compte en son sein de multiples ateliers et boutiques, dont les plus « malodorants » comme les tanneries sont situés à l’écart mais globalement tout le monde cohabite, forgerons et boulangers, riches et pauvres (les différentiations sociales par quartiers n’apparaitront qu’au XIXe siècle). Les artisans doivent travailler de jour, au vu et au su des passants qui doivent pouvoir évaluer leur travail. Les boutiques et ateliers sont donc au rez-de -chaussée, les habitants les plus fortunés au premier étage et les moins fortunés aux étages suivants.. Les maisons se serrent les unes contre les autres le long de ruelles étroites et très sales ! On jette directement déchets et eaux usées dans la rigole centrale de la rue, mieux vaut donc marcher à l’extérieur de cet « égout à ciel ouvert » là où les pavés sont en hauteur, le long des murs ; c’est de là que vient l’expression « tenir le haut du pavé ». La ville médiévale est de toute façon insalubre. Les animaux domestiques de consommation (porcs, poules) y sont très présents ; on les abat dans la rue si besoin. Quelques surfaces cultivées sont d’ailleurs incluses dans le périmètre urbain.
Bâtiments religieux et halles de marché sont les lieux publics par excellence de la ville. Il n’y a pas en Bretagne de puissants représentants civils des pouvoirs urbains mais des échevins, gestionnaires des affaires de la ville, anoblis ou non.
Hors de la ville mais tout proches, se trouvent les faubourgs : maisons et échoppes qui profitent de la ville en temps de paix ; mais qui peuvent être totalement rasés en cas de guerre, surtout à la fin du Moyen Âge.