Différentes vues des fosses-foyers du site du Poulpry à Bénodet – photos Yoann Dieu- Centre départemental d’archéologie du Finistère.

Voyage en haut Moyen Âge avec l’un des archéologues du centre départemental d’archéologie du Finistère qui a travaillé sur deux chantiers de fouilles préventives : celui de la route départementale 770 à Ploudaniel et celui du lotissement du Poulpry à Bénodet.

Yoann Dieu archéologue médiéviste au Centre départemental d’archéologie du Finistère

Sur la RD 770 à Ploudaniel ou le futur lotissement du Poulpry à Bénodet, il s’agissait là d’archéologie préventive : le diagnostic ou les fouilles sont réalisées avant travaux parce que les sites sont susceptibles d’être intéressants sur le plan archéologique selon le Service régional d’archéologie (SRA).

Du VIe siècle au XIIe siècle un hameau fortifié à Kerfelgar-Bihan

Dans le cas de la RD770 deux secteurs ont fait l’objet de fouilles préventives. Yoann Dieu a dirigé celle de Kerfelgar-Bihan où il a mis au jour un énorme fossé d’enclos, de deux mètres de large sur deux mètres de profondeur, et deux « fonds de cabane », soit des traces d’habitations de 3 mètres sur 4 environ. La portion de fossé fouillée atteint jusqu’à 125 mètres de long ce qui est imposant mais on ne connait pas la physionomie de ce que pouvait être l’ensemble du site. L’archéologue suppose qu’il s’agissait d’un hameau ou d’un village fortifié sans forcément de motte castrale. Pour l’instant, les fouilles sont terminées.

Du VIIIe au XIe siècle un manque de chênes pour fabriquer le charbon de bois au Poulpry

A Bénodet, les fouilles préventives ont concerné 2940 mètres carrés au Poulpry et elles ont duré 5 semaines en décembre 2020 ; les conditions météorologiques n’étaient pas catastrophiques mais la nature du sol, très imperméable (le « poulpry » désigne un marécage) a compliqué le travail de fouille. À part une petite fosse de l’âge du Bronze, les fouilles ont révélé une occupation du haut Moyen Âge, entre la fin du VIIIe et XIe siècle. Là encore, un fossé pour enclore, mais peu profond donc sans doute pas défensif. Une parcelle ouest nue, probablement cultivée ou pâturée à l’époque et une parcelle Est très riche en traces d’occupations humaines : nombreux « trous de poteaux » signalant des bâtiments d’habitat ou d’artisanat ou de stockage, des foyers domestiques et surtout deux zones de fosses-foyers. Ces derniers, beaucoup plus gros que les foyers domestiques, étaient d’une part des foyers de forge, comme en témoigne la présence de scories métalliques et culots de forge. L’autre zone de fosses-foyers était une « charbonnière » pour fabriquer le charbon de bois destiné à la forge. Yoann Dieu a confié les charbons à des archéologues spécialisés – des anthracologues – qui ont pu analyser les essences de bois utilisées. Surprise, alors que la plupart des foyers comparables renferment à 80 % de résidus de chênes et 20% d’ajonc/genêt pour démarrer le feu, au Poulpry la proportion est inversée. Deux hypothèses : soit les chênes étaient rares au Poulpry car la déforestation avait déjà été trop avancée pendant l’Antiquité, soit les chênes appartenaient à une « autorité » qui en interdisait l’usage.
Les fouilles ont aussi révélé une omniprésence de céramique dite « onctueuse » (à base de talc) quasiment exclusive. Cette céramique, très poreuse, était inadaptée au transport des liquides mais très résistante au feu ; on en a trouvé aussi à l’abbaye de Landévennec. Il faudrait pouvoir approfondir les recherches historiques pour en savoir davantage sur cette implantation. D’autres fouilles dans d’autres parcelles voisines permettraient de mieux connaître le contexte historique (proximité de voies ou d’autres agglomérations).