La physiognomonie est une pseudo-science que pratiquaient déjà les Grecs avant que les Romains ne s’en emparent. Elle consistait à faire correspondre (en généralisant) des caractéristiques physiques et des traits de caractère. Pauline Huon nous en détaille le principe et les usages en particulier aux Ier et IIe siècles.

Merci à la Société archéologique du Finistère pour son précieux concours. 

Le mot physiognomonie vient du grec φύσις , phýsis (« nature, manière d’être ») et γνώμων , gnômon (« qui connaît, discerne ») ; mais il s’agit bien d’interpréter la nature humaine. C’est une pseudo-science qui fait correspondre les traits physiques au traits de caractère. Philosophes et médecins vont l’utiliser. Pythagore (6e siècle avant JC) est le premier à la théoriser. Il soumet tous les postulants à son enseignement philosophique à un examen précis de leur physique pour évaluer leur caractère et leurs capacités. Plus tard, au dessus du fronton de l’école de Platon, une inscription prévient « que nul n’entre ici s’il est difforme de visage ou mal proportionné des membres ».

Hippocrate, en bon médecin, conçoit le soin dans son entier ; il accorde donc grande importance aux tempéraments où corps et âmes sont étroitement mêlés. Son collègue Gallien s’attache aux correspondances humain/animal. L’astrologue Polémon y ajoute de la chiromancie : l’observation dans le corps des signes de bons ou mauvais présages, qu’il s’agisse de lignes de la main ou de grains de beautés examinés comme des constellations qui prédisent l’avenir de leur porteur ; sans oublier la lecture des sourcils (plutôt pour les femmes).

Caractériser les figures politiques romaines…voire les caricaturer

Les Romains pointent les défauts physiques de leurs adversaires politiques,  compris pour s’en moquer par la caricature. Suétone utilise beaucoup la physiognomonie dans ses biographies et s’en sert pour expliquer le caractère intrinsèque des empereurs comme Caligula qui est décrit comme un vieillard « aux jambes velues et aux tempes et à la nuque embroussaillées », ce qui est un signe de lubricité. Ses jambes grêles et la fixité de son regard trahiraient sa folie.

Les physiognomonistes romains emploient trois méthodes :

  • anatomique : le corps est étudié élément par élément, la taille, la stature, le visage … les différentes parties du corps abritent en haut l’intelligence, au niveau intermédiaire l’émotivité et dans la partie inférieure, les instincts primaire (de haut en bas)
  • zoologique : on étudie l’humain par comparaison avec les animaux (mammifères, comme le lion ou oiseaux comme l’aigle)
  • ethnologique : des qualités générales sont attribuées aux différents peuples et les personnes qui ont les caractères physiques de ce peuple se voient donc attribuer leurs attributs moraux

L’homme de caractère facile est ainsi caractérisé par des traits plaisants, des chairs molles, un embonpoint, des mouvements lents, une voix grave, un regard peu vif…

L’homme débauché sexuel a quant à lui le teint blanc, le corps velu au poil raide, les yeux alanguis et humides, un creux entre nez et menton… 

La physiognomonie persistera longtemps… au XIXe siècle, les écrits du penseur allemand Lavater inspirent le nazisme et son antisémitisme. De nos jours encore, nous sommes tentés de généraliser ou systématiser des liens entre traits physiques et traits de caractères. La morphopsychologie a remplacé la physiognomonie mais la science n’a toujours pas établi ces correspondances entre physique et caractère.