Comme tous les secteurs économiques, l’agriculture va devoir s’adapter au changement climatique. Deux membres du Civam du Finistère, Anne Duros, éleveuse laitière à Guimiliau et Nicolas Le Meur éleveur laitier et fromager à Hanvec nous détaillent les impacts de la sécheresse sur leurs activités et les adaptations qu’il faut envisager.

Émission mensuelle réalisée en partenariat avec le Civam Finistère 

Depuis 2019 à Kervel, Nicolas Le Meur et son associé élèvent en agriculture biologique 20 vaches laitières de race pie-noir et croisées et ils transforment leur lait en fromage, yaourts et crème. En discutant avec leurs voisins plus âgés et l’éleveur qui les a précédés, ils se rendent compte que les phénomènes de sécheresse sont de plus en plus fréquents et que le phénomène s’accélère ces dernières années. La ferme utilise de grandes quantités d’eau pour la transformation et un mètre cube par jour pour abreuver les animaux. Les deux éleveurs peuvent compter sur une source gérée par les habitants du hameau, une source communale et des résurgences du Camfrout, la rivière qui borde plusieurs de leurs parcelles. Pour l’instant ils ne manquent pas d’eau. Cependant, comme l’alimentation de leur bétail se fait 100% en prairie naturelle, ils constatent à nouveau en ce printemps que sur certaines parcelles en hauteur, l’herbe ne pousse plus après la pâture, ou beaucoup plus lentement. On ne peut donc pas y refaire passer les vaches : « c’est très stressant » confie Nicolas qui sait que la situation globale en Bretagne est inquiétante.
Cette année, on cumule un hiver assez sec, un vent séchant (d’est) et des sols qui ne retiennent pas l’eau en raison de l’imperméabilisation croissante des sols (trop tassés par l’agriculture intensive par ailleurs) et moins retenue faute de talus.

Vers une gestion très pointue de l’herbe et de l’eau

Anne Duros et son associé sont installés en Gaec à Guimiliau sur 63 hectares avec 75 vaches laitières depuis 2017. C’est une production laitière 100% herbe et le plus possible en pâturage avec une traite par jour et trois mois d’interruption en hiver (les vêlages sont groupés au printemps pour être synchronisés avec la pousse de l’herbe). Les terrains de la ferme sont groupés, les pâtures assez anciennes mais entretenues (en hiver les animaux restent au bâtiment pour épargner l’herbe).

Dès 2018, la ferme a été frappée par une forte sécheresse, un début d’été difficile, avec un impact sur la  livraison de lait. Une situation qui a conduit Anne et son associé à se former pour gérer plus strictement encore les pâtures. Désormais, la surface broutée par les vaches est réduite avec une clôture amovible pour protéger les repousses. Les vaches (de races diverses, notamment jersiaise) dégustent de l’herbe fauchée en son sommet pour réduire les épis (la graminée pourra ainsi repousser plus vite car elle s’épuisera moins). La fauche est laissée sur place et les vaches sont sorties à la journée. Des mesures à l’herbomètre permettent de s’assurer que l’herbe pâturée est de qualité. D’autres mesures ont dû être prises comme le recours au foin (en enrubané et au pré) pour retarder l’arrivée des vaches sur les prés en pousse. En ce qui concerne l’eau, c’est un forage qui approvisionne la ferme dont le système d’abreuvement aux champs a lui aussi été parcellisé pour être optimisé.

Miser sur l’extensif et l’agroforesterie

En période de sécheresse, les éleveurs de Kervel peuvent amener les vaches en landes ou zones humides car elles y sont adaptées (elles ne sont pas trop lourdes) mais cela suppose de disposer de suffisamment de surface. Par ailleurs, ils peuvent aussi faire faucher du fourrage sur leurs passerelles pour le stocker en cas de besoin, mais c’est un coût supplémentaire (en frais de mécanisation et en carburant).

Quant à économiser l’eau pendant la transformation du lait, c’est plus difficile : faut-il fabriquer des produits différents ? Et quid de l’aspect sanitaire ? Pour l’instant, les deux fermiers de Kervel n’ont pas encore réfléchi ce sujet.

Du côté de la ferme de Guimiliau, même si on s’est orienté vers des races de vaches plus petites donc moins consommatrices, la production de lait est proportionnelle, donc moindre, et Anne s’interroge sur l’aspect qualité.

Un autre moyen de retenir l’eau dans sa ferme est l’agroforesterie, donc la plantation d’arbres et de haies, « avant que ça devienne trop difficile de planter », précise Anne Duros. Le bocage présente en effet de multiples atouts : freine les vents d’est, limite le ruissellement et l’évaporation, apporte une nourriture d’appoint aux animaux.

Les deux éleveurs, comme les autres membres du Civam du Finistère, se rejoignent sur la nécessité d’une réflexion profonde sur les modes de production, de consommation, sur ce qu’on cultive et ce qu’on élève. Ils s’accordent aussi sur le fait que les solutions de stockage comme les bassines qui ne sont que des solutions de court-terme et non des adaptations réelles au changement climatique.