D’un côté, le groupe Mohican, son électro-hip-hop poétique et énergique, de l’autre Laëty qui pratique le chansigne, soit l’interprétation d’un concert en langues des signes et… bien davantage ! Il s’agit de rendre la musique accessible aux personnes sourdes et malentendantes et surtout de leur faire vivre pleinement le concert. Grâce à cette collaboration encouragée par Run ar Puñs, une véritable fusion artistique est née, à suivre sur scène ce 20 mai 2022.

Le chansigne est un art à part entière. Certes, c’est aussi un outil pour rendre accessible la musique, un concert aux personnes sourdes et malentendantes. Mais on ne s’arrête pas à traduire les paroles des chansons en langue des signes française (LSF). En tout cas pas dans le cas de Laëty, l’une des très rare chansigneuse en France, qui milite pour faire reconnaître cette pratique à part entière et qui prépare même une formation qu’elle proposera dans le Tarn.
Mohican est un groupe rennais d’électro-hip-hop mélodique et poétique. Les paroles des textes de Lucas Elziere (auteur, chanteur et trompettiste du groupe) sont riches et complexes.

De l’accessibilité à l’expression artistique

Les deux artistes avaient tout pour travailler ensemble, avec l’aide de Run ar Puñs qui leur a proposé de monter un concert chansigné, doublé d’une action culturelle avec notamment les lycéens de l’Aulne qui ont été initiés au chansigne.

Au cours de trois résidences, la collaboration a pu se construire patiemment : Mohican et Laëty ont d’abord travaillé sur les textes (Laëty les avait étudiés avant), puis une seconde résidence a intégré les musiciens du groupe et une troisième a permis de travailler la scène, en particulier les lumières. Au final, c’est un nouveau collectif qui s’est créé.

En travaillant avec la chansigneuse, Lucas a redécouvert ses textes sous un nouveau jour ; les musiciens, une nouvelle approche de leur instrument

« Laëty ajoute une nouvelle poésie, une nouvelle dimension » précise Lucas. Elle a d’ailleurs toute sa place sur scène, elle est pleinement intégrée au concert et la scénographie est aussi adaptée au chansigne, notamment l’éclairage.

Un concert bi-culturel

Le chansigne permet de comprendre ce qu’est la culture sourde. Les personnes sourdes et malentendantes font du chansigne naturellement ; on parle alors de chansigne de création puisque c’est en quelque sorte une autre façon de chanter et danser sans oraliser. On peut donc imaginer un concert uniquement en chansigne qu’il faudrait rendre accessible aux personnes qui entendent.

On peut donc aussi se servir du chansigne pour adapter un concert « entendant » afin de le faire vivre à tout public, avec ou sans ouïe. C’est ce que fait Laëty qui n’est pas elle-même malentendante. La chansigneuse utilise ses gestes, son visage, son corps, en lien avec les vibrations, le tempo (ressentis par la plupart des personnes sourdes) pour exprimer aussi la mélodie, les envolées des instruments, les moments plus calmes, l’ambiance, l’humeur, les émotions du concert.

En plus de l’interprétation des paroles de la chanson en langue des signes, un signe est aussi attribué au groupe : « qui vient du coeur » pour Mohican. Les jeux de mots s’il y en a dans le texte, deviennent des jeux visuels. Bien plus qu’une traduction, le chansigne peut donc être une réinterprétation.

Cette pratique permet en outre une véritable réflexion sur ce qu’est la musique pour une personne sourde : Laëty confirme qu’il reste tout un travail de recherche à faire sur les représentations visuelles, la lumière et même la pratique (les enfants sourds sont dispensés de musique à l’école… ils n’ont donc pas vraiment l’occasion de toucher un instrument).