Il s’agit de milliards d’euros dont les noms barbares : FSE, Feder, Feampa… sont parfois dissuasifs. Pourtant, ce sont des instruments essentiels de la politique européenne. Breizh Europe Finistère décrypte les différents fonds européens et surtout leurs impacts sur notre quotidien.

Le site internet de Breizh Europe Finistère 

La page Facebook de Breizh Europe Finistère 

 

Par Maël Cordeau

Le sujet semble peu séduisant mais il est pourtant essentiel, notamment dans la vie de tous les jours : les fonds européens pour le développement régional, intimement liés à notre quotidien que l’on soit Français, Roumain, Suédois ou Tchèque.
Ce qu’il faut d’abord comprendre, c’est que la Commission européenne propose un budget pour une période de 6 ans. La nouvelle période s’étend de 2021 à 2027 avec un budget proposé et voté au Parlement européen d’une hauteur de 1 824 Mrds. Ce budget comprend ce que l’on appelle dans le jargon le cadre financier pluriannuel ainsi que le budget Next Generation EU qui vise à accompagner la relance et la résilience liées à la crise du covid 19. Ainsi tous les Etats bénéficient de cet appui financier sauf, et c’est assez nouveau dans les discussions politiques, les Etats qui ne respectent pas l’Etat de droit. Depuis les premières discussions sur ce nouveau budget on a pu voir la Commission européenne interpeller plusieurs fois la Pologne et la Hongrie en les menaçant de suspendre le budget de relance pour non-respect des règles communautaires.

D’où viennent les milliards d’euros des fonds européens

Le financement du budget de l’Union européenne ne tombe pas du ciel, sa provenance est bien précise. Il y a parmi les principales sources : la taxe sur la valeur ajoutée ou TVA que toutes les citoyennes et tous citoyens de l’Union européenne paie dans le cadre d’opérations économiques. Il y a aussi les droits de douane qui viennent des produits issus de l’importation des pays extérieurs à l’Union européenne. Depuis le 1er janvier 2021, il existe un nouveau système de contribution basé sur la proportion de déchets d’emballages plastiques non recyclés qui circulent dans les Etats, une taxe sera appliquée en conséquence. Enfin la source principale vient des Etats membres eux-mêmes, c’est ce que l’on appelle la contribution nationale basée sur le revenu national brut (RNB). De cette manière les Etats contribuent à la hauteur de leur richesse. Des pays comme la France, l’Allemagne ou le Danemark du fait de leurs richesses contribuent fortement, on parle alors de contributeurs nets. A l’inverse un pays comme la Bulgarie, le plus pauvre au regard des 26 autres, est un bénéficiaire net, l’Etat reçoit plus qu’il ne donne. C’est un principe de solidarité qui vise à donner à chaque Etat membre une place sur la scène européenne.

Comment le budget de développement régional est distribué, en Bretagne ou ailleurs

De manière simple les institutions européennes effectuent des travaux préparatoires pour définir les grands axes à développer par les Etats membres au niveau régional.
Après ce sont les régions qui viennent proposer des programmes stratégiques pour chaque fonds disponibles qui répondent aux enjeux régionaux. L’objectif n’est pas de rentrer dans les détails de chaque fonds, cela prendrait des heures mais plutôt d’établir un panorama des domaines d’investissement de l’Union européenne. Pour autant, il faut retenir une idée générale, l’Union européenne par le biais des fonds, investit directement dans des domaines qui ne relèvent pas de sa
compétence exclusive.
Aussi, les négociations étant en cours pour les dernières enveloppes, je n’évoquerai précisément les sommes allouées, il faut juste savoir qu’elles se comptent en dizaine de millions d’euros. Autre élément, la PAC : politique agricole commune fait aussi partie de ces fonds mais nous en avons déjà parlé dans une précédente émission.
Ainsi, il y a en premier lieu le fond le plus important que l’on nomme le FEDER, le Fond européen de développement régional. Ce fonds permet entre autres de favoriser la recherche, l’innovation, les entreprises et la transition numérique avec notamment le déploiement de la fibre à très haut débit. En complément il y a aussi tout un volet pour le développement des énergies renouvelables ou favoriser l’efficacité énergétique ou encore protéger la biodiversité. Et pour finir le tour d’horizon du FEDER on peut aussi parler du volet mobilité qui a par exemple permis de financer le tramway et le téléphérique de Brest ou la maximisation des lignes TGV en Bretagne. Autrement et rien à voir avec le transport, à Quimper il y a un projet qui vise à accompagner le public dans le changement de leurs habitudes alimentaires pour tendre vers un modèle plus durable. Parmi les autres fonds importants il y a le FSE qui maintenant est accolé au FEDER.
Le FSE ou fond social européen sert à l’investissement dans la formation par exemple à Lorient, l’UIMM (l’Union des industries et métiers de la métallurgie) bénéficie de cet appui et permet un meilleur accès aux emplois du domaine aux personnes souhaitant se reconvertir. Autre exemple, l’association Danse à tous les étages présente à Brest et Rennes aide les femmes en difficulté à reprendre confiance en elles et en les accompagnant vers la réinsertion professionnelle. En Bretagne et c’est un choix politique, le FSE a une part importante ce qui a permis la formation de milliers de personnes.

Fonds en faveur de l’environnement

Il y a quelques mois, nous parlions du Pacte vert européen qui a pour ambition de rendre l’Union européenne climatiquement neutre ; il existe aussi des fonds
régionaux qui vont dans ce sens.

Il y a d’abord le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture que l’on nomme maintenant Feampa. Le but de ce fonds est la conservation des ressources biologiques aquatiques, favoriser l’aquaculture durable ou encore l’économie bleue du littoral. Il y a également un bloc dédié à la gouvernance maritime internationale.
Sur le territoire finistérien il y a eu un projet de sensibilisation de la population à la qualité de l’eau et au plancton, un autre projet visait à valoriser les métiers de la mer.

Il existe aussi le fonds Life qui n’est pas proprement régional mais il contribue nettement à l’appui territorial en matière d’environnement. Ainsi le Parc régional d’Armorique a bénéficié de ce fonds dans le cadre de la restauration des écosystèmes landes et tourbières. Il y a une page Internet dédiée à ce projet qui décrit très bien le déroulement et les enveloppes dédiées. Un autre projet similaire a vu le jour entre 2010 et 2016 pour protéger la moule perlière d’eau douce du Massif Armoricain. Et au-delà de l’Atlantique l’Union européenne à aussi toute sa place puisque en Guadeloupe il y a un projet également financé par Life pour mener une expérimentation de réintroduction du lamantin dans le lagon.

Bien évidemment, il existe aussi les fonds du type Erasmus + pour la mobilité des étudiants, apprentis, professionnels et jeunes ou encore Europe Créative pour le milieu de la culture ou maintenant le programme CERV : citoyens, Égalité, Droits et valeurs pour la sensibilisation aux questions de citoyenneté et État de droit. Mais ces fonds n’ont pas nécessairement de porte d’entrée régionales comme le Feder, FSE ou Feampa

Garantis et impacts des fonds européens régionaux

D’abord, il s’agit de mesurer la répartition des fonds structurels européens à travers le continent. Pour la période 2014-2020, c’était la Pologne qui en bénéficiait le plus
avec 86 milliards d’euros de fonds, soit une somme de 2 266 par polonais pendant 7 ans si l’on rapporte cette somme à la population. C’est presque 1 000 fois plus élevé
que des Etats comme l’Allemagne et la France, mais cela s’inscrit toujours selon le principe de solidarité.
Pour répondre à la question, je propose de nous appuyer sur l’exemple de la Pologne qui a adhéré en 2004 à l’Union européenne. Avant cette adhésion, c’était un pays en pleine reconstruction après 123 ans d’absence en termes d’existence étatique souveraine. C’était un pays meurtri par la guerre où le niveau de vie était faible. Dès son adhésion beaucoup d’argent européen a été investi ce qui a permis à la Pologne de bénéficier d’une croissance quasiment constante depuis son adhésion pour atteindre les 6 % soit 3 fois plus que la moyenne de l’Union européenne.
Depuis son adhésion son PIB a littéralement explosé puisqu’il a augmenté de 90 %.
Mais on sait aussi que la Pologne n’est pas la championne en matière de respect de l’Etat de droit. Ainsi au regard de l’importance du développement économique notamment grâce aux fonds structurels la Commission européenne peut mettre en demeure les Etats afin qu’ils respectent le droit notamment la règle de la primauté du droit européen. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe depuis plusieurs mois en Pologne.
Le gouvernement a réformé la justice et les institutions européennes ont constaté que cela allait à l’encontre du principe selon lequel la justice est libre et indépendante dans les Etats membres de l’Union européenne. De cette manière, lors de la distribution des enveloppes du plan de relance, la Commission a mis la Pologne et la Hongrie en demeure de respecter la primauté du droit européen. Dans une autre mesure, il arrive de lire des articles de presse qui évoquent notamment en Bulgarie l’ouverture d’enquête au sujet de détournement de fonds structurels européens dans le cadre d’enrichissement personnel.

Le programme Interreg

Le programme Interreg vise à favoriser la coopération entre les régions européennes en mutualisant leurs expériences afin de trouver des solutions communes en matière
de transition écologique, de développement économique, rural ou encore urbain. Il dépend du FEDER et la Région Bretagne peut en bénéficier au travers de 4 sous programmes de coopérations axés sur l’Europe du Nord et de l’Ouest.
Par ailleurs, si ce travail de développement économique se fait au niveau régional c’est en partie parce que les régions d’un même Etat membre ne nécessitent pas le
même appui financier, tout comme les Etat membres eux-mêmes. C’est donc plus simple de mener un travail de développement à cette échelle.

L’Union européenne n’est pas qu’une banque, la preuve tout ceci s’inscrit dans le cadre d’une large vision politique rondement menée par les trois
institutions Commission, Conseil et Parlement.
Aussi et alors que l’on entend des personnes et des représentants politiques dire que la France perd de l’argent en tant que contributeur net, c’est dans un sens vrai mais il faut bien comprendre que tout ces fonds structurels dédiés à des champs politiques bien spécifiques devront dans le cadre d’un Frexit à tout hasard être compensé par l’Etat lui-même. Par exemple, cela n’a pas été constaté au Royaume-Uni surtout dans les domaines de l’agriculture, la pêche ou encore l’enseignement supérieur. A titre d’exemple, la Région Bretagne a perçu entre 2014 et 2020 une enveloppe de près d’1 milliards pour les domaines de l’agriculture, la formation, l’environnement ou encore l’aquaculture. Et ce n’est qu’une seule région sur les 18 françaises.

Cela pose d’autres questions notamment celle du pouvoir du Parlement européen. En effet, si le Parlement avait la compétence budgétaire et non pas seulement de ratification et que l’Union européenne avait des ressources propres, cette politique pourrait être plus ambitieuse. D’autant plus que les europarlementaires sont les représentants directs des habitants des régions européennes.

Quelques sites internet pour aller plus loin :

– https://europe.bzh/financements-europeens/renouvellement-2021-2027/
– https://www.pnr-armorique.fr/le-parc-en-action/life-landes-darmorique/le-programme-life-landes-darmorique/
– https://www.europe-en-france.gouv.fr/fr