Photo de couverture : Stéphanie Saliot, pépiniériste et semencière et Xavier Hamon directeur de l’USPG.

Repenser notre système alimentaire dans son entier suppose de remonter à la source de cette alimentation. Et dans le domaine végétal, on remonte aujourd’hui aux graines et aux plants avec une semencière et pépiniériste qui aime expérimenter.

Une fois par mois dans Lem, on s’installe à la table de l’Université des sciences et pratiques gastronomiques pour s’interroger sur la cuisine, l’alimentation au sens large, de la production à la dégustation… comme phénomènes sociaux, environnementaux, économiques.
Cette saison, on découvre avec un œil neuf et curieux les métiers nourriciers et les personnes qui réinventent ces métiers.

Stéphanie Saliot a fondé Des fruits des fleurs en 2015 à Le Saint dans le Morbihan. Aujourd’hui, trois personnes travaillent sur l’exploitation qui est donc pleinement nourricière, économiquement et intellectuellement. L’activité est orientée vers la multiplication des plantes au sens large, en agriculture biologique : le végétal déploie toutes sortes de stratégies pour se reproduire, de la graine au marcotage en passant par le bouturage. 300 plantes « à usage » sont cultivées dans la pépinière : plantes aromatiques et plants potagers, plantes médicinales, fleurs comestibles, arbres et arbustes fruitiers, plantes fourragères pour nourrir les moutons domestiques ou les oiseaux. Des fruits des fleurs s’adresse bien aux particuliers.

Une demande de jardin « réparateur »

Autrefois, le jardin était avant tout potager, à vocation alimentaire. Puis il est devenu ornemental, comme une bulle de beauté, un coin pour s’évader. Ces dernières années, les personnes qui fréquentent la pépinière se présentent de plus en plus dans la perspective d’un jardin réparateur. Leur idée est en effet de participer à la préservation de la biodiversité ou à la régulation du climat dans leur petit bout de terrain. Stéphanie constate en outre que les échanges avec sa clientèle revêtent une forte dimension psychologique.

Un savoir-faire artisanal et toujours exploratoire

Pour Stéphanie, le jardin est devenu un lieu de réflexion, d’expérimentations, de recherche. La productrice fait aussi partie de la coopérative quimpéroise Graines de liberté et elle se définit comme artisane semencière même si le métier n’existe pas officiellement en tant que tel. Cultiver, collecter, sélectionner, conserver les graines, c’est un long processus.  Comme pour tout artisanat, il est question d’associer la tête et les mains. Il est aussi question de prendre le temps. C’est bien l’esprit dans lequel chemine aussi l’Université des sciences et pratiques gastronomiques. Le métier de cuisinier travaille avec du vivant et doit non seulement s’en souvenir mais aussi tenter de comprendre au mieux ce vivant, de s’adapter à ses rythmes ; d’où l’intérêt d’entretenir le contact étroit avec les productrices et producteurs de végétaux mais aussi d’animaux. Ils détiennent aussi un véritable savoir. Pour Stéphanie, la vente directe de ses productions en marché de plein vent  est aussi une occasion de transmettre, d’enseigner, de faire acte de sensibilisation : expliquer au public jardinier qu’il doit apprendre à vivre avec les limaces et escargots sans chercher à s’en débarrasser.

Stéphanie aime aller chiner des graines ou des boutures un peu partout où elle se déplace en Bretagne. Elle achète aussi des semences paysannes dans le monde entier et les expérimente sur son terrain pour détecter des « pépites » gustatives qui séduiront les cuisiniers ou pour cultiver celles que recherchent ces derniers… Le dialogue entre les métiers de l’alimentation se nourrit ainsi.