Au fil des textes choisis par le géographe Antoine Lauginie, parcourons les chemins de l’hiver sur les deux terres chères à son cœur : Bretagne et hauts plateaux du Massif central.

Antoine Lauginie vit en Finistère et il en aime particulièrement l’hiver ; il partage le point de vue du poète Georges Perros dans Marine (poèmes bleus):  » il faut s’enfoncer et se perdre en ce pays, en connaître toutes les saisons et surtout l’hiver. Car qui n’a pas connu l’hiver d’un homme, d’une femme d’un pays, en ignore plus de la moitié ».

Il apprécie donc l’hiver breton, son chapelet de dépressions, ses lumières, son vent et sa pluie bien vivants mais aussi le temps du refuge, du coin du feu, du ralentissement.

Entre rudesse des éléments et chaleur humaine

Michel le Bris nous décrit le ramassage du goémon sur la côte du Trégor dans les années 1950. Les algues, un « cadeau de la mer et du vent », or noir que les Bretons utilisaient comme engrais et récoltaient très péniblement, particulièrement en hiver.

Loin de la souffrance, la vision de Jean-Pierre Abraham sur l’île de Sein est joyeuse, pleine de jeunesse et de vitalité et la tempête se fait dopante, invitation à la fête folle sur la petite île assiégée par les « murailles liquides » des vagues.

Outre la mer, le vent est un personnage essentiel de l’hiver breton, comme nous le raconte Michel le Bris – « ici nous habitons le vent » – qui nous fait comprendre à quel point la connaissance fine de la météo locale est constitutive de l’identité bretonne : L’hiver, l’anticyclone des Açores et la zone dépressionnaire d’Islande se disputent le ciel, à peu près au-dessus de nous et leur scène de ménage rythme notre existence…

Apprivoiser l’hiver

Dans les hautes terres du Massif central aussi le vent est un élément majeur de l’hiver, comme la neige que Martin de la Soudière décrit comme une menace : associée au blizzard, elle est en effet susceptible de perdre le voyageur. D’où les cloches qu’on faisait retentir pour aider les marcheurs à se repérer.  Avec Emma, on découvre les saisons des hauts plateaux, deux saisons, dont la « mauvaise » pendant laquelle la météo devient le sujet central du quotidien et des conversations humaines. Marie-Hélène Lafon nous raconte d’ailleurs de son côté combien la présence et la proximité des autres devient primordiale pour apprivoiser l’hiver.

La tentation d’hiberner

Enfin avec Alain Galan, nous prend la tentation d’hiberner ; on s’en vient à envier l’ours et sa pause en saison froide, son oubli des contraintes et des dangers du froid, son éloignement de la tristesse du manque de lumière hivernaux. Dormir pour attendre le printemps, ce que font aussi les Esquimaux, ce serait pour nous fermer la porte et couper nos téléphones…

Bibliographie de l’émission

  • Un hiver en Bretagne – Michel le Bris – NiL Éditions – 1996.
  • Armen – Jean-Pierre Abraham – Éditions du Seuil – 1967 (Ré-édition Le Tout sur le Tout – 1988).
  • Poétique du village, rencontres en Margeride – Martin de la Soudière – Éditions Stock – 2010.
  • L’annonce – Marie-Hélène Lafon – Folio Gallimard – 2009.
  • Sommeil d’ours – Alain Galan – Le temps qu’il fait – 2022.
  • Lente approche du ciel – Jacques Réda – Poème du recueil « Amen » – Gallimard – 1968.

 

Musique : Alela Diane « Colorado Blue » de son album About Farewell de 2013