Image de couverture : Lapon sur un traineau, La Martinière PierreMartin de, Voyages des paysseptentrionaux, Paris, Louis Vendosme, 1671, p. 50.

Doctorante en histoire à l’université de Nantes, Marie Beaujouan-Marlière travaille sur l’Europe du Nord, la Scandinavie au sens large mais aussi l’Écosse. Elle s’intéresse en particulier à ce qu’en racontaient les voyageurs francophones, anglophones ou germanophones au XVIIIe siècle, entre publications scientifiques, guides de découverte et récits personnels non dénués de stéréotypes.

Marie Beaujouan-Marlière est depuis longtemps attirée par les pays d’Europe du Nord, au point d’y avoir consacré son mémoire de Master, plus exactement à « La construction de l’altérité des territoires marginaux septentrionaux européens aux XVIIe et XVIIIe siècles.  La représentation de l’Écosse et de la Scandinavie au travers des récits et guides de voyage imprimés en français » (Université d’Orléans).

Elle s’est même tellement prise au jeu de son sujet qu’elle y consacre désormais sa thèse, avec l’Université de Nantes, en se concentrant cette fois sur le XVIIIe siècle mais en élargissant ses sources aux récits de voyages non seulement francophones mais aussi de langues anglaise et allemande : « Altérité, nordicité et représentation des espaces septentrionaux au XVIIIe siècle. »

La chercheuse embrasse ici la Scandinavie au sens large puisqu’au XVIIIe, le royaume du Danemark dominait aussi la Norvège, l’Islande et le Groenland ; le royaume de Suède comprenait quant à lui également la Finlande. Par ailleurs, les voyageurs qui visitaient ces terres du nord faisaient souvent également un détour par l’Écosse voire la Sibérie. Les recherches menées dans le cadre de la thèse intègre donc tous ces territoires.

Un champ de recherche encore peu exploré

D’un point de vue scientifique, les études historiques consacrées spécifiquement à ces territoires sont restées jusqu’à présent rares voire inexistantes. En effet, avant le XVIIIe siècle, le « grand tour » que les jeunes nobles effectuaient dans les pays européens pour se former et s’ouvrir à d’autres cultures ignorait les terres du Nord de l’Europe ; les écrits concernaient donc rarement ces régions pourtant bel et bien insérées dans le commerce européen (fourrures, poissons, goudron pour la construction navale) et peu d’historiens se sont penchés dessus.

Un engouement des scientifiques et romantiques pour le Nord au XVIIIe siècle

On les trouvait laides ces régions, jusqu’à ce que les scientifiques du Siècle des lumières s’y intéressent enfin, sous l’impulsion des Encyclopédistes : volcans islandais, geysers et aurores boréales suscitent la curiosité. Les premiers romantiques vont participer eux aussi de cet engouement à partir du milieu du XVIIIe siècle.

Scientifiques ou simples curieux de tous métiers (mais relativement fortunés), nobles ou pas, marchands ou non, partent alors en bateau de Calais, de Brest, ou plus rarement passent par la terre (la Pologne).

Guides de voyages ou impressions personnelles stéréotypées

Les curieux écrivent des guides de voyages plutôt pratiques sur les auberges à fréquenter ou éviter et les sites à visiter dans les contrées septentrionales. D’autres rapportent des récits intimes au fil de leur périple, avec une vision souvent manichéenne et stéréotypée :

le « mythe du bon sauvage » s’applique aussi au grand Nord : les peuples nordiques sont estimés comme « purs » et épargnés par les vices de la civilisation. Cependant, les clichés transmis par les voyageurs du XVIIIe font ressortir une nette dichotomie entre d’un côté les grands blonds aux yeux clairs, jugés beaux, et de l’autre les Lapons ou Sibériens de type asiatique et jugés « primitifs ».