Après Parchemins, le projet de recherche Anfriche s’intéresse aux espériences de remise en culture des friches littorales, petits carrés de terres bretonnes sur lesquels de petites exploitations de maraîchage ou d’élevage peuvent remplacer la végétation sauvage. Amélia Veitch, anthropologue, nous emmène à Moëlan-sur-Mer, commune pionnière en la matière.

Le site internet du projet de recherche Anfriche, financé par la Fondation de France

Le projet de recherche Anfriche* étudie le phénomène d’enfrichement des anciennes parcelles agricoles de bord de mer et les tentatives de réintroduire des activités agricoles sur ces parcelles. Outre le volet écologique qui porte sur la biodiversité des parcelles avant et après leur remise en culture, Anfriche comporte un volet anthropologique qui étudie les relations humaines autour de ces questions : attachement à des paysages littoraux jugés « sauvages » et culturellement associés à la côte ou au contraire critique de la déprise agricole et d’une impression d’abandon, recherche de foncier par de jeunes agricultrices et agriculteurs qui souhaitent produire à « taille humaine », spéculation sur des terres qu’on espère devenir constructibles, demande de production alimentaire locale et de qualité de la part des populations, souhait d’aide à l’activité économique de la part des élues et élus, etc.

Moëlan-sur-Mer et la reconquête agricole de ses friches littorales

Anthropologue, Amélia Veitch suit en particulier le cas de Moëlan-sur-Mer l’une des premières communes à s’être emparé de la question et à avoir souhaité remettre en culture ses friches littorales. En 2014, la commune a souhaité mettre en application un article du code rural qui impose aux propriétaires de terre agricole de les mettre en culture (ou de les louer pour mise en culture). Elle a d’abord répertorié une surface de friche d’environ 500 hectares, très parcellisée (la plus petite parcelle de 23 m2) détenue par 1400 propriétaires différents. À l’issue de l’étude écologique, 120 hectares ont été retenus et jugés propices à l’agriculture sans atteinte majeure à la biodiversité en place. Un appel à projets agricoles biologiques a ensuite été lancé.

Deux exploitations agricoles et de nombreux blocages

Rapidement, la commune s’est heurtée à de nombreuses réticences des propriétaires pour différentes raisons dont, pour certains, la peur que l’exploitation de leur parcelle ne finisse par devenir intensive… Quatre recours ont été déposés par le Syndicat de la propriété privée rurale.
Néanmoins, deux exploitations maraîchères ont pu voir le jour sur une soixantaine d’hectares. Le débroussaillage était à la charge des locataires qui ont aussi dû patienter avant d’atteindre une production optimale, le temps que les sols s’adaptent (ils sont cependant très fertiles, enrichis par la végétation sauvage qui occupait précédemment les friches). Désormais, les légumes alimentent la cantine et l’Ehpad de la commune.

*ANFRICHE est une recherche-action pluridisciplinaire qui a remporté l’appel à projets de la Fondation de France Les futurs du littoral et de la mer en 2021. Amelia Veitch est doctorante et coordinatrice du projet porté par le Laboratoire d’Anthropologie Politique (LAP /EHESS), il implique aussi l’Université de Brest occidentale (UBO), l’INRAE, le réseau Civam, le Groupement des agriculteurs bio du Finistère (Gab 29), le réseau Bruded, le Conseil départemental du Finistère.