Naître fille en Inde est en soi un potentiel malheur, la promesse d’une vie d’angoisse et de dangers. Les chiffres des violences subies par les quelques sept cent millions de fillettes et femmes du sous-continent sont ahurissants, les statistiques laissent sans voix, et tous ces crimes restent, pour la plupart, sanctionnés de façon ridiculement faible par la « justice » patriarcale, quand leurs auteurs n’échappent à toute condamnation. Une femme est violée toutes les vingt minutes, la plus jeune a 3 mois, la plus âgée 90 ans, 7200 enfants et nourrissons sont abusés chaque année, et ce ne sont que quelques chiffres, extraits des statistiques hallucinantes de ce pays qui sera très bientôt le plus peuplé du monde.

Bien sûr l’Inde n’a malheureusement pas le monopole de ces horreurs, tous les pays de la planète sont touchés par ce fléau, bien peu réagissent de façon efficace, avec des mesures appropriées, prises par des politiciens motivés. Sur ce sujet comme sur tant d’autres, le discours creux règne en maître, les promesses sans lendemain et les artifices de communications dominent, d’où l’importance d’un roman comme celui de Clea Chakraverty, La Voix de Sita, paru aux éditions Globe, qui met ce problème au centre d’une intrigue passionnante et possède le grand mérite de rendre compte de l’immensité de l’abominable phénomène dans toutes ses dimensions.

Lorsqu’il s’agit de maintenir les femmes dans un état de soumission, ou de leur ôter des droits chèrement acquis, on peut être assuré que les religions, oubliant pour un temps leurs antagonismes, s’unissent pour soutenir les mesures les plus réactionnaires, y compris dans les nations les plus « évoluées », comme on a pu le voir avec le récent arrêt de la Cour suprême des États-Unis relatif à l’accès à l’interruption volontaire de grossesse. La Voix de Sita permet, outre de lire une formidable histoire, mêlant mythologie, intrigue de roman noir aux mille rebondissements et plonge le lecteur au cœur d’un des aspects les plus sordides de la société indienne. L’autrice donne la parole à ces femmes abusées, maltraitées, assassinées, et dénonce avec une redoutable efficacité le calvaire des femmes indiennes, ce qui est bien la pire peur des intégristes.

Bonne écoute !

Le Livre

LA VOIX DE SITA – Clea Chakraverty – Éditions Globe

L’autrice

Clea Chakraverty a vécu plusieurs années en Inde où elle a été journaliste pour différents médias, dont Le Monde diplomatique. Elle y a aussi mené des recherches en anthropologie. Elle est aujourd’hui en charge des sujets de politique et société pour la revue en ligne The Conversation France. La Voix de Sita est son premier roman.