L’attaque de la fédération de Russie contre l’Ukraine a désormais un an. Retour sur l’action de l’Union européenne face à ce conflit à sa porte, qui ne semble pas près de se terminer.

Le 24 février 2022, il y a un an, commençait l’invasion de l’Ukraine par la fédération de Russie. Un conflit qui a tout de suite mobilisé l’Union européenne et sans doute infléchi sa politique dans de nombreux domaines. Maël Cordeau, président de Breizh Europe Finistère revient sur cette année de conflit.

Chronologie du conflit russo-ukrainien

Même si le conflit avait commencé avant le 24 février 2022, c’est à cette date que Vladimir Poutine annonce une opération militaire éclair qui vise à défendre les minorités russophones du Donbass et surtout “dénazifier” l’Ukraine. Il est important de le rappeler, cela relève du fantasme et ses propos sont l’apogée d’années de propagande du gouvernement russe.
Il faudrait plus de temps pour rappeler l’ensemble des événements, alors il ne sera question que d’étapes qui ont changé le conflit ainsi que les rapports de forces de notre continent.
La nuit du 23 au 24 février des missiles frappent plusieurs villes ukrainiennes notamment Kyiv, la capitale. L’Union européenne, déjà sur le qui vive, réagit avec de lourdes sanctions financières et économiques.
Le 27 février 2022 la tension monte d’un cran, 3 jours après le début de l’invasion et surtout le jour de la supposée fin de l’opération éclair, l’Ukraine résiste et la Russie brandit la menace nucléaire. Cette annonce entraîne l’UE et le monde dans un processus inédit : les sanctions économiques déjà historiques sont revues à la hausse et pour la première fois de son histoire l’Union européenne signe l’envoi d’armes.
Le jour suivant, le 28 février, l’Ukraine fait sa demande d’adhésion à l’UE, un objectif inscrit dans les priorités de l’Ukraine depuis 2019, puisque cela était inscrit dans sa constitution.
Le 02 mars c’est l’ONU qui exige le retrait des forces russes du territoire souverain de l’Ukraine mais le 04 mars, la Russie accentue sa politique de terreur en essayant notamment de s’emparer de la centrale nucléaire de Zaporijia, la plus grande d’Europe.
A ce stade le bilan humain est déjà trop lourd : plus de 300 civils tués à cause des frappes aériennes et plus d’un million trois cent mille personnes ont fui l’Ukraine. Dans la foulée, le 11 mars, le Conseil européen (les 27) se prononce en faveur d’un rapprochement de l’UE et de l’Ukraine mais contre une intégration rapide de l’Ukraine à l’UE.
Au même moment, l’ONU revoit le nombre de réfugiés à la hausse : deux millions cinq cent mille personnes principalement exilées en Pologne.
A la mi-mars 2022, la Russie est exclue du Conseil de l’Europe pour crimes de guerre. De plus , la part de la communauté internationale qui soutient l’Ukraine emploie aussi ces termes afin de qualifier les nouvelles attaques sur des infrastructures civiles. A l’approche du premier mois du conflit, la Russie n’avance plus, son plan semble désorganisé et l’armée ukrainienne tient largement face à ce que l’on décrivait comme étant la plus grande armée du monde. Le bilan humain s’alourdit encore et encore, près de 10 millions de personnes ont quitté leur
foyer.
A la mi-avril, Sanna Marin, première ministre de la Finlande et Magdalena Andersson, la première ministre suédois d’alors, se rencontrent et évoquent la possibilité d’une adhésion des deux Etats scandinaves historiquement neutres à l’OTAN. Les premières ministres expliquent que les menaces russes ont de facto fait changer les avis sur cette question majeure.
Jusqu’au mois de juin la Russie intensifie les combats et l’Union européenne renforce se ssanctions.
Le 23 juin marque un tournant puisque les 27 Etats votent à l’unanimité pour délivrer le statut officiel de pays candidat à l’adhésion pour l’Ukraine.
Ainsi dans les premiers mois du conflit, l’Union européenne assume pleinement son soutien à l’Ukraine en prenant des mesures fortes. A partir de l’été le conflit s’enlise, il devient long, la Russie ne baisse pas la garde mais semble en difficulté puisque le gouvernement annonce la conscription des civils et la possibilité pour la milice Wagner de recruter ses
mercenaires dans les prisons.
Au début de l’année 2023, une nouvelle question fait débat, c’est celle d’un nouveau type de soutien militaire à savoir l’envoi de chars. Cette décision inédite notamment pour l’Allemagne a été validée et beaucoup d’Etats soutien de l’Ukraine se sont engagés pour en livrer au plus vite, aujourd’hui une centaine de chars devraient être livrés.
Au cours de cette première année de conflit il y a eu d’autres événements géopolitique majeurs comme l’explosion du pont de Crimée qui a été extrêmement humiliante pour la Russie puisqu’elle a eu lieu dans l’un des endroits les plus surveillés des territoires annexés. Il y a eu le missile tombé en Pologne qui a failli embraser le monde ou encore le chantage à la faim fait par la Russie avec le blocage de l’exportation du blé depuis les ports ukrainiens.
Dès lors, le conflit s’enracine et sa fin semble de plus en plus difficile à percevoir.

Des sanctions contre la Russie qui viennent s’ajouter à celles mises en place dès 2014

Aujourd’hui l’Union européenne en est à son 10ième train de sanctions.. Depuis le début du conflit, la Commission européenne ajuste ses sanctions à l’encontre de la Russie. Toutes
ces sanctions sont validées par les 27 Etats membres de l’UE. L’idée n’est pas de détailler l’ensemble des sanctions mais plutôt de revenir sur les domaines d’impact.
Au départ il y a eu la fermeture de l’espace aérien, des ports et des routes de l’UE aux transports russes. Ensuite l’UE s’est attaquée aux médias nationaux russes tels que Russia Today RT et Sputnik dont la diffusion a été tout simplement interdite.
Par ailleurs, une liste d’oligarques et proches russes a été établie, ils sont interdits de séjour et leurs avoirs ont été gelés, cela vaut aussi pour Vladimir Poutine. Depuis le 10ieme train de sanctions, on sait que va être établie une liste de personnes qui participent sur les réseaux sociaux à la propagande russe.
En ce qui concerne la finance, plusieurs banques russes ont été exclues du système bancaire Swift, pour rappel cela permet d’émettre des ordres de paiement, de ventes ou encore de transfert de fonds. A côté de ça, les avoirs étrangers de la banques centrales russes ont également été gelés.
Aujourd’hui la Russie ne peut plus acheter d’avions, importer des produits sidérurgiques, ou des moteurs de drones. Ajoutons aussi que beaucoup des armements russes ont besoin de
pièces très spécifiques issues des pays européens, de nouvelles sanctions ont été prise pour limiter les achats russes.
Par ailleurs, le soft power russe relatif au sport est lui aussi clairement menacé du fait de l’interdiction de la Russie dans de grandes compétitions notamment les futurs JO de Paris.
On peut aussi évoquer l’interdiction de participation au concours de l’Eurovision, au sein duquel la Russie s’investissait beaucoup.
Enfin, l’UE s’est récemment engagée sur un embargo pour le charbon, l’or et le pétrole russe qui lui est même plafonné.

Des sanctions européennes aux effets pour l’instant limités

Le but de ces sanctions est de cibler les domaines dans lesquels la Russie concentre l’essentiel de son économie afin de l’empêcher de financer son armée.
Il est vrai que la récession russe est bien en deçà de ce qui était prévu, d’ailleurs Vladimir Poutine s’en est amusé lors de son adresse à la nation russe. Si on avait projeté une chute de 20 %, en réalité elle n’est que de 2 %. Il y a plusieurs explications :
Déjà, il faut bien insister, les sanctions européennes sont extrêmement dures pour la Russie notamment parce que l’Union européenne s’approvisionnait largement en pétrole et gaz russe et que ces importations représentaient les principales exportations pour la nation russe.
Aujourd’hui la Russie est obligée de piocher dans son fonds souverain. Les fonds souverains sont un moyen pour les Etats de tirer des profits en fonction de placements financiers. Ainsi le fonds souverain russe repose essentiellement sur la vente de son gaz, pour le moment son économie tient grâce aux excédents précédemment faits dans le cadre de ses exportations. Par ailleurs, l’explosion du prix des hydrocarbures permet à la Russie de maintenir ses recettes même si les pays européens se retirent petit à petit. Ajoutons que l’UE a pris du temps avant de s’engager sur la question du pétrole et du gaz.
Enfin rappelons que la Russie est un régime autoritaire qui repose sur le contrôle de l’information. Depuis le début du conflit diverses données statistiques relatives à l’économie ne sont plus fournies par la Russie.
Dès lors, la Russie semble tenir mais ce n’est que provisoire puisqu’elle utilise toutes ses ressources et que les sanctions sur les hydrocarbures vont mettre du temps à produire leurs effets.

La candidature de l’Ukraine à l’Union européenne

Le 28 février marque la date à laquelle l’Ukraine a officiellement demandé à l’Union européenne de devenir adhérente, où en sommes-nous depuis un an ?
C’est une question très importante. Il ne faut pas oublier que l’Ukraine est un pays souverain et que si l’Ukraine décide d’adhérer à l’UE alors on ne peut pas l’en empêcher sous prétexte que cela va énerver la Russie. La géopolitique ce ni de l’apaisement ni de la confrontation, c’est agir selon ses intérêts nationaux ou régionaux et par conséquent pas ceux d’un autocrate.
Pour adhérer à l’Union les Etats doivent suivre un processus très long, les Etats membres se sont d’ailleurs prononcés contre une adhésion rapide de l’Ukraine à l’UE. Déjà, en matière de standards sociaux et économiques l’Ukraine n’est pas prête, le risque serait d’avoir une nouvelle intégration “difficile” comme l’est celle de la Bulgarie et de la Roumanie. Bien que l’Ukraine soit aujourd’hui dans une dynamique politique uniforme par rapport à d’autres moments de son histoire, de nombreuses réformes sont encore à prévoir notamment pour lutter durablement contre la corruption qui reste une problématique de premier plan. La lutte contre la corruption au sein de l’UE est déjà un sujet majeur : détournement des fonds européen, corruption des parlementaires, ingérences étrangères, ce doit être un sujet pour tous les Etats qu’ils soient membres ou candidats.
Aussi, un autre aspect important à prendre en compte est celui de certains Etats des Balkans Occidentaux qui eux sont officiellement candidats depuis plusieurs années et donc doivent mener des réformes et fournir des résultats à la Commission européenne. Comment ces Etats, qui ont déjà fait d’immenses efforts, réagiraient-ils si un autre Etat atteignait l’objectif ultime sans avoir débuté ce long travail ? D’autant plus que certains États des Balkans tâtonnent : investissement chinois, anciennes relations avec la Russie ou encore rapprochement avec l’UE. Les Balkans sont encore aujourd’hui, en particulier du fait de la Serbie, une poudrière, il ne faudrait pas la faire s’embraser.
Alors si l’Ukraine ne peut pas adhérer demain, il s’agit d’un long processus qui s’étale sur plusieurs années, mais aujourd’hui l’UE met un point d’honneur au rapprochement avec les nations candidates notamment au travers de la nouvelle communauté politique européenne.

Soutien militaire des Etats membres renforcé et bilan humain

En ce qui concerne les personnes exilées, elles sont recensées par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Aujourd’hui on dénombre 4,6 millions de personnes qui
bénéficient de la protection temporaire qui permet de vivre dans les Etats membres. Des personnes exilées sont déjà retournées en Ukraine, d’autres font des allers-retours réguliers
pour aider leur famille, aller sur le front ou encore travailler. Précisons-le, les ukrainiens disposent de titres de séjour temporaires et la grande majorité exprime son envie de répartir vivre en Ukraine, notamment les enfants qui souhaitent étudier pour revenir avec de nouvelles compétences pour leur pays.
Ainsi la Pologne et l’Allemagne sont les Etats qui ont le plus accueilli. En ce qui concerne, la Pologne cela peut entre autres s’expliquer par l’histoire du pays. En effet l’URSS avait envahi la Pologne en 1939, en s’engageant aussi fermement pour l’accueil des ukrainiens, la Pologne reconnaît en quelques sortes sa fraternité avec un autre peuple dont les frontières ont été violées et la population massacrée. Évidemment, il y a aussi des critères géographiques.
Au sujet des soldats morts et blessés au combat les chiffres sont accablants pour autant on ne peut que se reposer sur de grandes tendances. D’ailleurs, ces chiffres sont pour les deux camps des arguments stratégiques et de communication.
Selon la Russie, 6 000 soldats russes auraient perdu la vie.
Selon l’Ukraine, 13 000 soldats ukrainiens auraient perdu la vie.
Les services de renseignement occidentaux annoncent respectivement 200 000 et 100 000 milles morts, certaines données ne sont pas encore traitées, d’autres pas récoltées. Le bilan des civils est difficile à établir, par exemple à Marioupol, l’une des villes martyres parce que détruite à 90 % par la Russie, compterait au moins 75 000 victimes, des chiffres consternants s’ils s’avéraient confirmés. Depuis le mois d’avril 2022, l’armée russe attaque de nombreuses infrastructures civiles, il s’agit donc d’une stratégie de terreur. Dans l’est de l’Ukraine d’autres villes comme Marioupol sont complètement détruites et les civils se retrouvent au coeur du conflit alors Vladimir Poutine avait annoncé une stratégie de paralyie des infrastructures militaires de l’Ukraine.
Si on peut se permettre de s’avancer autant sur les intentions de la Russie d’asservir le peuple ukrainien, c’est parce que depuis la découverte du crime de Boutcha où des centaines de civils ont été retrouvés torturés, violés, mutilés et laissés à l’abandon, les Etats occidentaux comme la France ont envoyé des équipes spécialisées afin de mener des enquêtes pour envisager des jugements pour crime de guerre. Depuis cette découverte macabre, il y a eu de nombreux autres témoignages qui accusent les soldats russes de se comporter comme des bouchers, ces témoignages relatent des faits accablants que l’on avait plus vu depuis près de 20 ans sur notre continent.
Au début du conflit, il avait été question d’éventuelles déportations d’enfants ukrainiens afin de les intégrer à la société russe. Longtemps cette hypothèse est restée en suspens. A présent la Russie assume parfaitement l’adoption des enfants ukrainiens pour les russifier conformément à son souhait d’effacer un peu plus l’existence de l’Ukraine. Des reportages ont notamment mis en lumière cette traque des enfants dans les centres d’adoption et foyers pour enfants faites par les soldats russes.
Avec tous ces éléments il devient difficile de nier la volonté de Vladimir Poutine d’humilier et faire disparaître une population et c’est lors d’un jugement devant une cour pénale internationale que cette question pourra être tranchée.