Cave World est impossible à écouter sans s’amuser ni de ne pas bouger la tête en même temps que la musique, mais surtout, c’est un album qui navigue entre sujet sérieux par le biais de la comédie noire !

Ce qu’ils faut savoir avec les Viagra Boys, c’est qu’ils ont développé de manière organique une fanbase enragée grâce à deux excellents albums studio sortis en 2018 et 2021. Grâce à ce succès, ils ont aussi fait naître une réputation que leurs concerts en live était émeutière, notamment par la présence mercuriale de Sebastian Murphy, le frontman du groupe. C’est un véritable punk head – un frontman qui peut tenir tête à l’inventeur du genre, Iggy Pop (qui est un fan du groupe). Leur son est un mélange savoureux de punk traditionnel, de post-punk, de country et de new wave, et leur look est un mélange entre menaçant et joueurs de jeux vidéo.   

L’album précédent parlait des questions de la masculinité toxique et la violence non gérée du patriarcat. Le contenu lyrique de cet album s’attaquait frontalement à la misogynie et à la responsabilité personnelle, tout en pastichant de manière sombre l’image d’un personnage rock féroce et brutal, ou, comme le disait le leader Sebastian Murphy à l’époque, “l’art d’être un connard”. Ils sont devenus experts dans l’art de se regarder dans un miroir de comédie noire.

Dans ce nouvel album, le même travail de caractérisation que Murphy s’appliquait à lui-même s’adresse cette fois-ci à un groupe très particulier de notre société. Ils sont personnifiés dans le morceau “Troglodyte”. La chanson est un portrait féroce d’un conspirationniste et d’un tireur potentiel sur le lieu de travail, qui affirme que ces non évolués de l’humanité auraient été de la viande hachée à l’époque préhistorique, avant que le deuxième amendement américain (le droit du port d’armes) ne donne le pouvoir aux pathétiques.

Ce morceau comme beaucoup d’autres dans l’album, patine sur un joli verglas de satire contre ces conspirationnistes d’extrême droite qui pourrit notre société. Dans le morceau le chanteur dit; “Il dit qu’il ne croit pas à la science, il pense que toutes les nouvelles sont fausses / Et tard le soir, il s’assit devant son ordinateur et écrit sur les choses qu’il déteste”, chante un Murphy avec mépris. Son argument est le suivant : si nous devions suivre la logique de ces gens jusqu’à sa conclusion ultime, ils ne pourraient être vraiment heureux que si la société revenait à sa forme la plus élémentaire, la plus basique. Mais même dans ce cas, Murphy dit que les pré hominidés les rejetteraient aussi. 

Le morceau qui suit, “Creepy Crawlers”, est en fait le monde du point de vue des troglodytes du morceau précédent. Le morceau se moque des personnes qui ne croient pas aux vaccins, de celles qui croient de façon absurde que les bébés sont prélevés pour la fabrication de médicaments et que les vaccins font pousser des poils ou des queues d’animaux. La chanson est particulièrement drôle mais également inquiétante. C’est un bijou de morceau post-punk à la sauce satire.

Pour conclure avec l’explosif “Return To Monke”, les Viagra Boys terminent Cave World avec des pointes comiques sur la société d’aujourd’hui. Peut-être que notre situation actuelle n’a rien de nouveau, nous demande Murphy, et que la race humaine est simplement née comme ça. C’est une chose de ridiculiser les arguments étriqués et mal raisonnés de ces gens qui semblent aujourd’hui exercer un pouvoir sur nous, mais c’est dans la création d’une métaphore sur tout un album et sur leur état d’esprit que réside tout le plaisir. 

A part ça, chaque morceau a un groove cohérent, il y a des solos fantastiques un peu partout, et beaucoup d’explosions instrumentales. On voit à quel point la musique elle-même est d’un très haut niveau sur les deux chansons purement instrumentales. C’est tout ce que l’on peut souhaiter pour un album des Viagra Boys. Cave World est impossible à écouter sans s’amuser, il est impossible de ne pas bouger la tête en même temps que la musique, mais surtout, c’est un album qui navigue entre sujet sérieux par le biais de la comédie noire !