Alors que l’observatoire de l’environnement en Bretagne (organisme public qui associe l’État et la Région) enquête sur nos perceptions des paysages et notre bien-être, demandons-nous ce que révèlent ces « cadres de vie ». Le Conseil de l’architecture de l’urbanisme et de l’environnement (CAUE) a justement pour mission de travailler sur ce sujet et de faire évoluer les mentalités. Dans le Finistère, son directeur Nicolas Duverger constate qu’il est temps de revoir notre rapport à la nature pour prendre soin de nos paysages, des plus quotidiens aux plus emblématiques.

Le site internet du CAUE du Finistère

Participer à l’enquête en ligne sur les paysages du quotidien

Les neurosciences s’intéressent à l’impact de notre environnement sur notre bien-être depuis quelques années et plusieurs études ont démontré le lien net entre le bien-être des gens et l’accès à un paysage de nature en bon état. D’autres ont établi le lien entre la simple vue d’éléments végétaux depuis une fenêtre et la diminution de la durée d’hospitalisation. Certains établissements de soin, comme l’Ehpad de Ty Marhic à Douarnenez développent donc des jardins à visée thérapeutique.  

Pourtant, notre vision de la nature reste largement altérée. Les permanents du CAUE du Finistère – Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement, une association loi 1901 – ont justement pour mission d’évaluer notre rapport au paysage et de le faire évoluer pour permettre notre adaptation à la transition écologique. Et ils constatent qu’il reste encore de nombreux progrès à faire, du côté du grand public, comme de certains élus ou professionnels du paysage.

Entre plastification du monde et peur de la nature

Souvent, nous acceptons le végétal ou l’animal uniquement s’il est maîtrisé et sans aucune perturbation de nos activités. Si on y ajoute le poids de l’histoire culturelle, les conventions sociales, l’éducation, cela donne des pelouses tondues rases, des monocultures de résineux dans les forêts, des clôtures partout, de l’asphalte ou du béton à la place de la terre… D’où vient donc cette idée que les plantes sauvages « c’est sale » et qu’il faudrait à tout prix couvrir le sol d’une (couteuse) bâche plastique, laquelle va en outre l’émietter progressivement dans le sol et finir par être ingérée par les animaux, et au final les humains ? Le CAUE a même édité une fiche pour expliquer combien cet usage de la bâche est à déconseiller.

Changer de pratiques pour éviter la catastrophe écologique dont nous souffrirons aussi

Le problème n’est pas seulement la monotonie visuelle de ces « aménagements paysagers », la question va bien au-delà des seules considérations esthétiques voire vaguement hygiéniques. En période de changement climatique, et de réchauffement en particulier, toute cette artificialisation des sols réduit l’absorption du CO2 et contribue à élever la température ambiante. Les collectivités qui l’ont compris replantent des arbres, remettent des végétaux en ville, dans les cours de récréations etc.

Nos jardins, nos parterres publics sont par ailleurs extrêmement pauvres en biodiversité. Ils sont totalement inadaptés aux insectes donc aux oiseaux et à toute une frange de vie – animale et végétale – qui déserte donc, y compris dans les campagnes où les grandes surfaces en monocultures sont elles aussi dépourvues de ressources pour ces espèces. Le résultat sur les paysages n’est pas seulement visuel. Il est aussi sensoriel : où sont les chants d’oiseaux, les bourdonnements d’abeilles, les parfums de fleurs sauvages ?  Faire disparaître les haies et talus autour des champs c’est aussi laisser libre passage au vent, qui dessèche ou refroidit selon les saisons ; en période de manque d’eau, c’est pour le moins mal venu. Voilà pourquoi les programmes de restauration du bocage breton se multiplient.

Quant à la « 6e extinction » du vivant qui nous est annoncée, elle est elle aussi le fruit de ces pratiques qui semblent vouloir tenir toutes la vie sauvage à distance.

Prendre soin du sauvage c’est accepter de ne pas prendre toute la place

On continue à s’extasier sur un littoral sauvage, on se promène en forêt avec plaisir mais on « dompte » son jardin. On déplore la présence à l’horizon d’éoliennes ou de panneaux solaires – pourtant justifiés du point de vue du changement climatique – mais on pose de grandes clôtures en PVC autour de son pré carré …  Il ne s’agit pas d’arrêter totalement de modifier notre environnement, le bocage lui-même est une construction humaine, il s’agit plutôt de reconsidérer les véritables besoins et priorités.

Pour comprendre à quel point repenser notre rapport aux autres vivants est aussi important pour nous, le CAUE mais aussi le Parc naturel régional d’Armorique – autre soigneur de paysages – proposent régulièrement des ateliers, balades commentées, causeries, autour de cette question. On peut par ailleurs suivre l’enquête sur les paysages bretons sur le site internet de l’Observatoire de l’environnement en Bretagne.