Littoraux poétiques, épisode 2 : Autour de L’ivresse des grèves, d’Yvon Le Corre

Publié le 17/11/2023
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Littoraux poétiques est une émission qui entremêle la mer et la terre, la création et la recherche. Un chercheur ou une chercheuse raconte son parcours au travers d’une œuvre qui l’inspire et accompagne ses recherches. Le biologiste marin et écologue Yves-Marie Paulet a choisi L’ivresse des grèves d’Yvon Le Corre.

Interview réalisée par Alix Levain, anthropologue au CNRS au laboratoire Amure de Brest

Référence : L’ivresse des grèves d’Yvon Le Corre, éditions Ouest-France

Enseignant-chercheur à l’Université de Bretagne Occidentale, Yves-Marie Paulet est enraciné dans un milieu familial lié au poisson et aux bateaux. Il a donc toujours couru les grèves. Bien que biologiste marin et écologue, il entend rarement le mot « littoral » dans sa communauté scientifique ; ce serait plutôt un terme venu de la géographie… jusqu’à ce que le plastique vienne jouer les trouble-fêtes dans le milieu marin. Or, cette matière désormais omniprésente dans les eaux et les organismes marins vient bel et bien des continents.

Sous la pression des changements environnementaux, les biologistes comme Yves-Marie Paulet ont peu à peu cheminé de la mer vers la terre, notamment, pour lui, en étudiant les coquilles Saint-Jacques et en reliant leur physiologie et leur état de santé aux activités humaines terrestres.

D’un arpenteur des grèves à l’autre

Yvon Le Corre était un peintre en plus d’être un écrivain. Originaire de Saint-Brieuc, il était un arpenteur des grèves du globe, fasciné par les rythmes. Sa personnalité et son approche du monde, à la fois riche et modeste, ont séduit Yves-Marie Paulet. Ce dernier a d’abord été saisi par ses Carnets d’Irlande puis par l’homme lui-même, venu avec sa chaloupe sardinière aux premières fêtes maritimes de Douarnenez, qui lui doivent beaucoup.

Mêlant peinture et écriture manuscrite, L’ivresse des grèves est le fac-similé d’un journal de bord. Écho littéraire de l’œuvre picturale, le texte est aussi le dernier publié de l’auteur qui, après avoir beaucoup voyagé, se pose avec nostalgie, non sans un regard critique sur notre civilisation de la technologie, du plastique, du bruit et de la facilité, qui imprègne les usages contemporains des littoraux.

Rythmes et grandes dérives planétaires

Le refus de l’artifice, l’attention d’Yvon Le Corre à la matérialité et surtout à la rythmicité ont parlé à Yves-Marie Paulet. Les travaux du biologiste lui ont en effet permis, dès les années 1990, de détecter ce rythme jusque dans les coquilles des palourdes qui portent la marque des marées basses, ou celles des coquilles Saint-Jacques, témoins matériels de la qualité de l’eau qu’elles ont connu.

Pour le chercheur, il serait difficile de vivre sans ces visions poétiques : « nous ne sommes pas que des mécaniques, le rationalisme ne suffit pas...», nous rappelle-t-il. Nous sommes aussi les réceptacles de nos milieux...et de nos lectures.

Une émission réalisée avec le concours de Radio Évasion/Transistoc’h, et pour le groupe de travail POETE du Groupement de recherche Océan & Mer (CNRS), Catherine Boemare et Justine Berthod.