Les fouilles 2023 de la villa romaine de Keradennec à Saint-Frégant

Publié le 15/04/2024
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Le Centre départemental d'archéologie du Finistère est chargé des fouilles de la villa gallo-romaine de Keradennec à Saint-Frégant. On revient sur la campagne qui a commencé en septembre 2023 avec Ronan Bourgaut qui dirige le chantier et Marie Pendu qui étudie les enduits peints de la villa. 

crédit photo : ©Ronan Bourgaut, Conseil départemental du Finistère

Le site internet du Centre départemental d'archéologie du Finistère

Réécoutez notre précédente émission sur la villa de Keradennec

Keradennec est un site antique majeur du Finistère. Découvert en 1833, il a été partiellement fouillé entre 1968 et 1974 par René Sanquer et Patrick Galliou. Il restait cependant des parcelles à explorer pour comprendre le site dans son ensemble, en particulier le rôle qu'a pu jouer cette unité d'habitation et de production en milieu rural, non loin d'une importante voie romaine, entre Vorgium (capitale antique de la région) et le littoral.

Une tour-porche au sud-est de la villa de Keradennec

Le chantier ouvert en septembre 2023 a donc concerné davantage que les 400 m2 fouillés dans les années 1970. Cette fois, Ronan Bourgaut et son équipe ont découvert 1625 m2 de sol, au sud-est de la villa. Parmi les éléments majeurs mis au jour : une tour-porche, à une trentaine de mètres du bâtiment principal. Son emplacement, et surtout son orientation, inhabituelle par rapport à ce qu'on connait des plans de villa romaine, intriguent. Les archéologues ont constaté que la voie qu'enjambait cette tour-porche était carrossable ; en outre, elle était vraisemblablement dotée d'un étage et, par ailleurs, elle a été détruite puis reconstruite.

L'époque à laquelle s'intéressent les fouilles est surtout celle entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère. Le site a été alors occupé en continu ; deux incendies l'ont frappé, le deuxième semble marquer l'abandon de l'occupation et c'est seulement au 11e siècle, donc au Moyen Âge, que la tour-porche sera de nouveau investie.

La villa romaine de Keradennec c'est d'abord une pars urbana, la partie habitée, le logis privé. Et cette partie est des plus impressionnantes et passionnantes pour les archéologues ; des thermes privés, quatre ailes de bâtiments, avec galerie, cernant une vaste cour (dans laquelle le château de Kerjean pourrait tenir) ; des matériaux prestigieux, notamment l'enduit de chaux, rare dans le secteur, permettent d'évaluer la prospérité des propriétaires. Les nouvelles fouilles permettront de dessiner le plan complet de cette pars urbana.

La toichographologie pour étudier les fresques de la villa

Marie Pendu étudiante en Master 2 à l’Université de Rennes 2 est toichographologue, spécialisée dans  l’étude des fresques peintes antiques ; elle se charge d'examiner les décors muraux à enduits peints dont la villa était riche. Elle reconstitue les motifs de ces enduits, évalue leur qualité, les nettoie, et elle étude aussi les techniques architecturales qui accompagnaient la pose de ces enduits, comme l'utilisation d'une sous-couche en roseau pour maintenir les mortiers des plafonds. 

Toponymie, architecture, céramologie, instrumentum (étude des objets), archéozoologie, ichtyologie (étude des restes de poissons), malacologie (restes de coquillages)... les spécialités requises pour "lire" le site de Keradennec sont nombreuses et se multiplieront au fil de la campagne de fouilles. 

En apprendre davantage sur le rôle économique du site de Keradennec

La pars rustica - partie productive du site - et la pars fructuaria - où on stocke les ressources produites - ont encore aussi de nombreux secrets à livrer, en particulier sur le rôle économique d'un site comme Keradennec dont on a constaté un changement d'activité principale. Avant d'être abandonné, une importante activité métallurgique semblait y dominer, à base de récupération de fer voire d'autres métaux. C'est probablement cette activité qui est à l'origine du dernier incendie de la villa romaine. 

Une couverture Lidar (mise en évidence au sol, par laser, des micro reliefs vestiges d'aménagements précédents) a permis de distinguer quelques structures autour de la pars urbana, qui seront fouillées ultérieurement. 

Le site appartient à la mairie de Saint-Fregant qui souhaite le valoriser auprès du public, d'où les fouilles archéologiques qui se poursuivront jusqu'en 2025 voire au-delà.